Le projet de loi no 67 a été adopté le 24 mars 2021. Depuis son dépôt à l’automne 2020, l’attention a surtout porté sur les changements visant les règles en zones inondables. Des modifications y ont été apportées grâce en particulier aux recommandations du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). La Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions apporte des changements en matière de logement. Voyons son impact sur l’exercice des droits des locataires des résidences privées pour aînés.

Modifications apportées à la loi sur le logement

Outre l’appellation de la Régie du logement qui devient le Tribunal administratif du logement, sans changement significatif au rôle des juges administratifs en matière de logement, la modification de la Loi a pour principal objet de permettre à des locataires d’une résidence privée pour aînés (RPA) de s’adresser au Tribunal administratif du logement au moyen d’une demande conjointe, s’ils jugent que leurs droits ou leurs intérêts sont susceptibles d’être affectés. Cette modification est importante pour l’exercice des droits. Auparavant, le tribunal du logement :

  • ne recevait que des demandes individuelles des locataires;
  • ne faisait pas de distinction pour les locataires des résidences privées pour aînés.

Ainsi donc, il est dorénavant possible pour deux locataires ou plus, d’une même RPA, selon la définition de la Loi sur les services de santé et services sociaux de s’adresser au Tribunal administratif du logement au moyen d’une demande conjointe lorsque cette demande a pour seul objet :

  1. d’obtenir une diminution de loyer fondée sur le défaut du locateur de fournir un ou plusieurs mêmes services inclus dans leur bail respectif, notamment un service d’aide domestique, d’assistance personnelle, de loisirs, de repas, de sécurité, de soins ambulatoires ou de soins infirmiers;
  2. de faire constater la nullité, pour un motif d’ordre public, de clauses dont l’effet est substantiellement le même et qui sont stipulées dans leur bail respectif.

La demande conjointe doit être signée par tous les locataires. Et, si un locataire agit à titre de mandataire pour un autre locataire, il doit être désigné dans la demande conjointe et la signer.

Après le dépôt de la demande conjointe, le Tribunal tiendra une réunion appelée conférence de gestion. Il convoquera alors les locataires qui ont signé la demande et traitera des questions importantes pouvant l’amener à décider d’émettre une ordonnance, au besoin, afin de :

  1. régulariser la situation des autres locataires de la RPA, qui n’ont pas signé la demande
  2. mettre en place des mesures visant à protéger ces autres locataires :
    • en les informant que les locataires de la RPA qui n’ont pas signé la demande seront mis en cause;
    • en obligeant l’exploitant de la RPA de notifier les autres locataires:
      • de la demande conjointe et des pièces justificatives qui s’y rattachent,
      • de la décision que le Tribunal a rendue,
      • de l’avis expliquant la mise en cause et le droit des autres locataires de s’opposer à cette mise en cause.

Il peut aussi ordonner que sa décision soit envoyée à l’organisme qui a émis la certification de la RPA.

Qu’est-ce que le projet de loi 67 apporte aux locataires des RPA?

La demande conjointe introduite par le projet de loi 67 s’apparente à l’action collective bien qu’elle n’en soit pas une. Elle permet à plusieurs locataires d’une RPA de se joindre pour déposer une demande commune. Elle s’en distingue toutefois.

Dans une action collective, une personne demande à la cour d’agir comme représentant d’un groupe qui doit être décrit. Les personnes faisant partie du groupe peuvent s’exclure du groupe, car elles y sont automatiquement incluses. L’action collective comporte aussi une autorisation de la Cour supérieure. Seul ce tribunal judiciaire peut recevoir les demandes d’actions collectives. Ces demandes peuvent porter sur tout sujet d’intérêt pour des justiciables.

Quoiqu’elle soit limitée à des sujets précis, la demande conjointe permet aux locataires d’une RPA de déposer une demande pour faire baisser le loyer suite à des services non rendus — tel est le cas depuis mars 2020 —, ou encore pour faire annuler une clause contraire à l’ordre public comme dans le cas d’une avance de loyer pour couvrir les frais à la suite du décès du locataire.

De plus, la Loi ajoute que les locataires des RPA peuvent être assistés d’un tiers de confiance dans le cheminement de leur demande, ce qui veut dire que le locataire peut être assisté par une personne proche aidante ou un mandataire qui détient une procuration. Il peut aussi être assisté par un organisme communautaire qui a un mandat d’assistance des locataires des résidences privées pour aînés.

Au quotidien, les locataires âgés hésitent à déposer une demande, que ce soit en raison du coût initial, du déplacement requis pour aller au Tribunal, de l’énergie nécessaire pour colliger la documentation, du jargon légal, du désir d’éviter tout litige, des récriminations possibles de la part de l’exploitant, de l’isolement ou du harcèlement consécutif par la direction de l’exploitant. Aucun de ces motifs ne doit être pris à la légère, car ils sont bien réels. Même la constitution en comité de locataires est souvent battue en brèche par les exploitants et les locateurs malgré le droit fondamental d’association au Québec.

La réforme est imparfaite et ne suffira pas à répondre à toutes les situations [1], mais elle s’inscrit dans un mouvement de reconnaissance des outils pour faciliter l’exercice du droit au logement des aînés. Bien que timide, cette réforme appuie l’exercice des droits des locataires des résidences privées pour aînés devant le Tribunal administratif du logement.

[1] Rapport spécial du Protecteur du citoyen – Les résidences privées pour aînés : plus que de simples entreprises de location résidentielle – Rapport sur le respect des droits et des obligations des locataires et des locateurs dans les résidences privées pour aînés

Mémoire du FRAPRU – Des changements législatifs insuffisants pour que la relance permette d’atténuer les graves conséquences de la crise du logement