Au cours des derniers mois, il a été souvent possible de lire et d’entendre parler de la fermeture de résidences privées pour aînés (RPA). Les raisons invoquées par les RPA, habituellement de taille moyenne, s’apparentent à: épuisement des propriétaires, insuffisance des moyens financiers, impossibilité de se conformer aux exigences réglementaires [i].
Les résidents des RPA ayant rarement une multitude de recours, la situation les inquiète et peut affecter leur santé et leur sécurité. Ce constat est bien entendu désolant.
Les prix exorbitants des loyers des RPA ont également été dénoncés au cours des derniers mois. Le plus souvent, il s’agit de RPA de grande taille qui offrent de multiples services à leurs locataires. Seuls les aînés les mieux nantis peuvent payer ces loyers assortis de services luxueux et coûteux. Ces RPA sont généralement de grandes bannières connues: il s’agit de grandes entreprises de location privées [ii].
Il y a lieu de se préoccuper de l’offre de logements pour les aînés. Il s’agit d’un sujet abordé régulièrement lorsque je m’entretiens avec des aînés à l’invitation d’organismes à but non lucratif ou communautaires. Comment trouver un lieu de vie adéquat qui réponde aux besoins des aînés tout en étant sécuritaire, abordable et agréable? Existe-t-il une ressource qui puisse diriger les aînés vers des lieux de vie avec services comportant des loyers raisonnables?
Les RPA ont été créées afin de répondre aux besoins des aînés de bénéficier d’un lieu de vie comportant des services et des soins disponibles sur demande. Elles sont réglementées et leur certification comporte des exigences incontournables. Le règlement a été modifié avec les années afin d’améliorer la sécurité des locataires dans les lieux [iii]. Des drames connus du grand public ont contribué au resserrement des règles de sécurité et de déclencheur d’alertes (incendie à l’Isle-Verte en janvier 2014, mort tragique de la mère de M. Gilles Duceppe en janvier 2019). Également, et il faut le rappeler, le resserrement a pour but de contrer les situations qui engendrent des risques d’abus physiques ou financiers à l’endroit des clientèles.
Dans l’état actuel, il est difficile, sinon impossible, de prévoir une réglementation qui plafonnerait le coût des services des grandes bannières des RPA. Ce sont des entreprises privées à but lucratif qui ont pour objectif de générer des profits de location. Il est aussi impensable de croire que l’on pourrait créer deux catégories de RPA, selon leur taille, puisque la réglementation doit s’appliquer à toutes les RPA.
Dans ce contexte, il faut souligner qu’il existe plusieurs types de résidences: pour personnes autonomes, semi-autonomes, en court séjour ou en convalescence, pour personnes avec des pertes neurocognitives, avec des services en santé mentale, etc. Il existe aussi des appartements pour retraités, pour les 55+, des condos pour retraités. Il existe également des OSBL d’habitation, que l’on définit comme «une corporation gérée par des intervenants locaux, souvent bénévoles, en partenariat avec les locataires de la résidence. Cette forme de propriété collective vise à offrir aux aînés des conditions de logement appropriées et des loyers abordables. Bien que la majorité des OSBL d’habitation soit mise sur pied grâce à des subventions gouvernementales, la prise en charge par le milieu distingue ces résidences de type communautaire.»
Les lieux de vie pour les aînés comportent de larges défis et suscitent des préoccupations. La demande sera possiblement plus forte au cours des prochaines années [iv]. Il faut se garder de considérer les RPA comme un lieu de vie incontournable pour les aînés. Il peut constituer une étape dans un processus de perte d’autonomie, mais bien souvent il est envisagé et contracté comme un lieu où les aînés choisissent de se décharger de tâches domestiques par choix personnel. Il s’agit moins d’hébergement — qu’il faudrait réserver aux centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) — que de logement. Il faut explorer toutes les possibilités et continuer à déployer des efforts pour répondre aux capacités financières de tous les aînés. Comme on peut le lire dans l’excellente étude de l’IRIS:
Le Québec doit corriger le tir et s’engager rapidement dans des réformes qui permettront de recentrer les services à domicile et d’hébergement sur le bien-être des personnes (tant des usagères et usagers de ces services que des travailleuses et travailleurs qui les dispensent), plutôt que de l’extraction rapide de profits au bénéfice d’investisseurs et d’entrepreneurs aux stratégies d’affaires pour le moins discutables [v].
En espérant que cet extrait vous incitera à faire lecture de cette étude!
[i] D. BOILY et D. GENTILE, «Les fermetures de RPA se poursuivent, des propriétaires “épuisés”», 26 février 2024; A. Lacoursière, «Des dizaines d’aînés face à l’inconnu», La Presse, 23 février 2024.
[ii] Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Étude: Les résidences privées pour aîné. e. s au Québec, Portrait d’une industrie milliardaire, A. Plourde, chercheure, Montréal, Juin 2021.
[iii] Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés, RLRQ, c. S -4. 2, r. 0.01. Le règlement initialement adopté a été modifié en 2018 puis en 2022.
[iv] D. BOILY, D. GENTILE, «Les ouvertures de RPA au Québec ne comblent plus les fermetures», 11 janvier 2024.
[v] Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Étude: Les résidences privées pour aîné. e. s au Québec, Portrait d’une industrie milliardaire, A. Plourde, chercheure, Montréal, Juin 2021, p.52.