La situation de patients aînés hospitalisés et menacés d’expulsion par le CISSS de la Côte-Nord la semaine dernière a soulevé de nombreuses inquiétudes. Et ce, à juste titre, car au Québec, un établissement ne peut pas mettre un terme à l’hospitalisation ou à l’hébergement d’une personne sans s’assurer tout d’abord qu’elle ira vivre dans un lieu sécuritaire qui réponde à ses besoins de santé. L’établissement doit répondre à un devoir de sécurité des personnes qu’elle soigne, soit des patients ou des résidents hébergés. La sécurité comprend les moyens pour répondre aux besoins physiques, émotifs, financiers. Un établissement qui ne se soucierait pas de rencontrer ce devoir d’assurer la sécurité pourrait engendrer sa responsabilité civile.

La menace de transfert d’un patient aîné dans un lieu de vie éloigné de sa famille ou de son lieu natal dérange, puisque les personnes visées semblent sans droits et sans recours, bien qu’elles soient clairement vulnérables. Cette menace d’expulsion est immorale aux yeux de la majorité, mais également illégale.

Des directives sans fondements, qui briment les droits des aînés

L’application de la Directive relative au Mécanisme régional d’accès à l’hébergement (MARH) ne fait pas consensus. Pour le CISSS de la Côte-Nord, elle permet d’identifier un lieu de vie légitime pour la personne concernée par le transfert, même éloigné de son lieu d’origine. Or, le ministre de la Santé ne l’entend pas de la même manière, pas plus que le premier ministre du Québec. C’est une question sérieuse et la portée de la Directive mérite d’être clarifiée.

Il apparaît que les CISSS et les CIUSSS ailleurs au Québec recourent régulièrement au MARH pour supporter leurs demandes d’hébergement forcé de personnes âgées et inaptes à consentir. Les patients ne devraient pas être les victimes de décisions, comme un déplacement à des centaines de kilomètres, en raison de l’application de directives mal comprises ou qui nécessitent des éclaircissements. La Cour supérieure a d’ailleurs analysé récemment le rôle du MARH et elle s’est montrée très critique face à son utilisation par les demandeurs. Mais il y a plus.

La menace d’expulsion de patients qui ne peuvent accepter les conditions de transfert sans égard à leurs droits est inacceptable du point de vue moral. Les personnes hospitalisées, qui sont âgées, malades et vivent dans l’isolement social, sans moyens pour répondre à leurs besoins de santé, ont le droit de connaître leurs droits et de les faire valoir.

Le CISSS de la Côte-Nord ou leurs aviseurs légaux le savent, mais ils ont opté pour la menace d’expulsion afin de faire bouger le gouvernement. En prenant en otage les patients qui ne peuvent pas se défendre ou qui ignorent leurs droits, ils agissent en situation d’autorité sur les patients en situation de dépendance et profitent de leur faiblesse et leur méconnaissance. C’est ce qu’on appelle de l’exploitation au sens de l’article 48 de la Charte des droits et libertés.

Et ce n’est pas tout, le transfert d’une personne d’un établissement de santé à un lieu d’hébergement doit suivre certaines règles dont le consentement de la personne — ou de son représentant légal — aux soins et services. Forcer une personne contre son consentement et au risque de sa vie est contraire aux codes de déontologie des professionnels de la santé et aux missions des établissements.

Au cœur de ce débat se trouve une question encore plus préoccupante: celle du recours potentiel à une demande d’ordonnance en injonction. Or, bien que la lettre ne fût que sous la forme de projet, le seul fait de recourir à cette option reste gravement préoccupant et nettement illégal. Les tribunaux se sont déjà prononcés à l’effet que ce véhicule procédural (l’injonction) ne peut pas être utilisé contre une personne: on ne peut contraindre par injonction une femme à subir un avortement.

De la même manière, on ne peut contraindre une personne par voie d’injonction à être transférée contre son gré dans un centre d’hébergement. La démarche du CISSS est donc illégale et a sûrement soulevé de grandes inquiétudes chez les victimes.

Pour toutes ces raisons, les parlementaires et les groupes de défense des droits des patients ont raison d’être choqués, et de prendre la parole pour dénoncer une situation intolérable, inacceptable et illégale. Il faut que les patients soient rassurés et informés qu’ils ont des recours légaux face au chantage et aux menaces reçues du CISSS de la Côte-Nord.