Dans notre article précédent, nous avons parlé des origines de la santé publique à travers le monde et de premières actions au Canada. Au Québec, la première loi qui a dressé le cadre législatif de la santé publique a été adoptée en 1971 [1]. Elle portait essentiellement sur la protection de la santé : vaccination, dépistage des maladies transmissibles, fluoration de l’eau et autre. Puis, cette loi a entièrement été remplacée en 2002 [2] lors du dépôt d’un premier Programme national de santé publique [3].

Grâce à ce changement, les orientations de la santé publique sont désormais fondées par des actions dont le but est de protéger, de maintenir ou d’améliorer la santé de la population en général et qui sont prises au bénéfice de la collectivité ou d’un groupe d’individus (art.5).

La santé publique comporte quatre grandes fonctions que le Programme national définit par ses orientations, ses objectifs et ses priorités:

  1. surveillance continue de l’état de santé de la population de même que de ses facteurs déterminants
  2. prévention des maladies, des traumatismes et des problèmes sociaux ayant un impact sur la santé de la population
  3. promotion de mesures systémiques aptes à favoriser une amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population
  4. protection de la santé de la population et les activités de vigie sanitaire inhérentes à cette fonction

Chacune de ces orientations doit se traduire par des actions concrètes. Il revient au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec de cibler les actions les plus efficaces à l’égard des déterminants de la santé et de conseiller le Gouvernement en conséquence. Ainsi, la Direction de la santé publique (DSP) doit travailler de concert avec le ministère de la Santé et Services sociaux (MSSS) afin d’améliorer la santé de la population.

Comment prévenir les infections?

En 2000, des milieux de santé au Québec ont été envahis par une bactérie résistante aux antibiotiques (SARM). À cette époque, les études ont démontré que la transmission du SARM était fréquente dans les CHSLD et qu’elle s’effectuait davantage par l’intermédiaire du personnel soignant que par les contacts sociaux entre les résidents. Le MSSS a alors commencé à publier des recommandations sur la prévention et le contrôle des infections. Près de 20 ans plus tard, la prévention des infections demeure un défi pour la santé publique.

En avril 2005, un comité chargé d’examiner l’éclosion de la bactérie Clostridium difficile en milieu hospitalier a déposé son rapport au MSSS. Le Rapport Aucoin a mis en lumière la vulnérabilité du système de santé, la fragilité des personnes hospitalisées, les carences dans les habitudes d’hygiène et dans l’entretien des équipements, et bien plus. Le comité a identifié comme principal problème la « gestion » à tous les niveaux [4] et a recommandé que « les professionnels en prévention et contrôle des infections des établissements de santé et les professionnels de santé publique travaillent en collaboration » plus étroite pour faire face à la situation [5].

En juin 2006, l’Institut national de santé publique (INSPQ) a publié de nouvelles mesures de prévention et de contrôle du SARM. On y soulignait que face à la réalité clinique, le défi résidait dans l’application systématique et concomitante des divers volets de prévention et de contrôle [6]. Les actions se sont intensifiées afin de prévenir et mieux de contrôler les infections, et un premier plan d’action sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales a été adopté [7]. Bien que la réduction du taux d’infections nosocomiales figurait parmi les priorités du programme national de santé publique en 2008, la prévention a été peu intégrée dans les activités du système de santé [8].

Quelles sont les priorités pour prévenir les infections ?

En 2015, un deuxième Programme national de santé publique (PNSP) a été déposé [9] où la prévention des maladies infectieuses était une priorité. [10] Le PNSP y soulignait l’importance d’arrimer les services de santé publique avec ceux du réseau pour assurer la cohérence et la complémentarité des services et intégrer la prévention dans les services de santé. Mais des voix se sont élevées pour dénoncer le peu d’investissement et d’intérêt envers la prévention, qui devrait être l’une des fonctions primordiales de la santé publique [11].

En réponse à ces critiques, le Gouvernement a adopté la Politique de prévention pour améliorer la santé et la qualité de vie de la population [12] et le Plan d’action ministériel [13] en 2016. Ces outils sont venus établir les grands axes et principes dont le Québec voulait se doter en santé publique.

Selon certains, au sortir de ces grands projets et avec la modification de la gouvernance du réseau de la santé sur la mise en œuvre du Programme national de santé publique 2015-2025, la santé publique a été frappée de plein fouet par des changements. On a procédé au sabrage du tiers de son budget, réduit son expertise et retiré du soutien à des services essentiels, pour ne nommer que quelques-unes des mesures mises en place [14].

La situation dramatique que nous traversons actuellement exigera que l’on tente de connaître quel type de préparation ont reçu les décideurs pour faire face à la pandémie annoncée afin de comprendre quelles connaissances possédaient les différentes instances pour répondre aux besoins de la population en temps d’urgence sanitaire. Une enquête serait utile pour nous éclairer et apporter des réponses claires à ces questions. Elle devrait impliquer la population, qui est désormais consciente de l’existence et du rôle prédominant de la santé publique.

La troisième partie de cette série d’articles traite de l’avènement d’une pandémie à l’échelle mondiale: Pandémie de COVID-19 : une tragédie humaine, en partie évitable


[1] Loi sur la protection de la santé publique, RLRQ, c. P -35.

[2] Loi sur la santé publique, RLRQ, c. S -2.2.

[3] MSSSS, Programme de santé publique 2003-2012 — mise à jour 2008, (120 p.).

[4] Comité d’examen sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales. D’abord, ne pas nuire… Les infections nosocomiales au Québec : un problème majeur de santé, une priorité, 2005, p. 8-12 et 40-41 (Rapport Aucoin)

[5] Rapport Aucoin, p.29

[6] https://www.inspq.qc.ca/publications/489

[7] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2006/06-209-01.pdf; il sera suivi des plans de 2010-2015 et de 2010-2015, sous la direction du Dr Horacio Arruda: https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2010/10-209-04.pdf https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-209-01W.pdf.

[8] Rapport Aucoin, p.16

[9] Ministère de la Santé et des Services sociaux, Programme de santé publique 2015-2025, sous la direction du Dr Horacio Arruda (88 p.)

[10] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001565/, p.49.

[11] Dont M. Contandriopoulos de l’IRSPUM et de Dr Alain Poirier de l’INSPQ, Santé – prévention, Cahier thématique, Le Devoir, 4 décembre 2016, H1 ; R. Harvey, « La prévention sacrifiée sur l’autel de l’austérité ». Le Devoir, 4 décembre 2016, H3.

[12] Politique gouvernementale de prévention en santé : un projet d’envergure pour améliorer la santé et la qualité de vie de la population, 2016 (112 p.)

[13] Plan d’action ministériel 2017-2021, Politique gouvernementale de prévention en santé : un projet d’envergure pour améliorer la santé et la qualité de vie de la population, 2016 (86 p.)

[14] Covid-19 au québec : le financement congru de la santé publique, Agence Science-Presse, 26 avril 2020