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Avant la pandémie de mars 2020, le nombre de chirurgies s’élevait environ à neuf mille (9 000) par semaine au Québec. Depuis le 13 mars, l’état d’urgence sanitaire décrété a forcé le report de chirurgies qualifiées de « non urgentes », soit toutes les installations de prothèse de genou, les remplacements de hanche, les ablations de kyste, les chirurgies esthétiques, etc. Seules les interventions chirurgicales urgentes demeurent : anévrisme cérébral, déblocage d’une sténose urétérale, réduction de fractures, etc.

La notion d’« urgence » ou de « soins urgents » varie. Tous les cas à l’unité de l’urgence ne sont pas urgents. Certaines personnes y transitent de longues heures sans pour autant être en péril. D’autres méritent une attention immédiate compte tenu de leur état critique. Une échelle de triage et de gravité (ÉTG) guide les professionnels et permet de déterminer le degré d’urgence [1]. La véritable urgence est celle où si on ne fait rien, la vie est en péril.

Il reste que des situations jugées non urgentes aujourd’hui pourraient se transformer en situation d’urgence. Ainsi, les chirurgies considérées « non urgentes » en mars 2020, deviendront-elles urgentes un jour?

Nous avons déjà vécu le report à grande échelle d’interventions chirurgicales qui avaient pourtant été programmées. Ce fut le cas au cours des années 1990, lors d’une grève des infirmières, personnel soignant essentiel, s’il en est. Un grand nombre d’interventions avaient été reportées en raison du débrayage et de la pénurie de personnel. Une action collective avait d’ailleurs été intentée par la suite.

Le représentant du groupe que nous représentions à l’époque avait subi le report de pontages coronariens et alléguait des inconvénients éprouvés en lien avec cette situation. La demande d’action collective s’est résolue par un règlement, entériné par la Cour, à la faveur des personnes qui réclamaient compensation pour ne pas avoir reçu les soins requis par leur état de santé en temps utile.

C’était il y a 30 ans. À l’époque, les interventions cardiaques de ce type procédaient avec ouverture de la cage thoracique, sous anesthésie générale, pendant plusieurs heures. Heureusement, la technologie a bien progressé et permet maintenant aux spécialistes de recourir à des méthodes beaucoup moins longues, invasives et risquées, tout en étant aussi bénéfiques.

L’état d’urgence sanitaire de mars 2020 bouscule les horaires et les priorités. Il entraîne non seulement le report de chirurgies, mais aussi de « soins requis par l’état de santé » soit chirurgicalement, soit médicalement, soit psychologiquement. Des examens, des suivis déjà prévus sont annulés ou reportés : cancérologie, endocrinologie, psychiatrie, audiologie, etc. Ces « soins requis par l’état de santé » cèdent le pas aux besoins prévisibles de la population. La priorité est accordée à la disponibilité des espaces, des équipements et, surtout, du personnel pour les personnes infectées par le virus SArS-CoV-2 qui afflueront.

Des principes aussi fondamentaux que le droit d’accès aux soins de santé sont mis à mal. Car en temps normal, toute personne « a le droit de recevoir des services adéquats, de manière continue, de façon personnalisée et sécuritaire » suivant la Loi sur les services de santé et services sociaux. C’est un principe acquis, adopté et en vigueur dans la loi depuis son adoption dans les années 60.

Le report des chirurgies et des soins en raison de la pandémie et du décret de l’état d’urgence sanitaire de mars 2020 comportera des conséquences. Souhaitons simplement que les personnes visées ne subissent pas une dégradation marquée de leur santé au point où l’intervention devienne trop risquée ou inutile, ou pire, qu’elle entraîne des conséquences irréversibles en l’absence de soins. Souhaitons aussi que les professionnels accordent une attention bienveillante aux personnes dont l’état de santé a été mis à mal en raison du report de l’intervention prévue, souvent de longue date, ou de la continuité des soins requis par leur état de santé.

L’après-pandémie de 2020 comportera de grandes difficultés auxquelles il faudra répondre avec attention afin que l’accès aux soins, requis par l’état de santé, reprenne de manière sécuritaire et continue.


[1] L’échelle canadienne de triage et de gravité pour les départements d’urgence a été adoptée en 1999. Elle a été implantée et adaptée au milieu de soins, et révisée : Murray, Bullard et Grafstein, Can J Emerg Med 2005;7(1):28-3.