telemedecine

Le Québec a été la première province à reconnaître dans la loi les «services de télésanté» en 2005. Un an plus tard, l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (ÉTMIS) énonçait des lignes directrices pour les pratiques [1].

Des projets-pilotes [2] ont vu le jour et des programmes essentiels [3] ont été mis en place au cours des dernières années. Des recommandations sur le sujet ont émané des associations, des ordres professionnels [4] et des organismes gouvernementaux [5]. Le plus éloquent provenait de la Commission de l’éthique en science et en technologie (CEST) qui remettait en 2014 au ministre de l’Enseignement supérieur [6] un rapport exhaustif couvrant les enjeux liés à la télésanté (soins virtuels). On y étayait particulièrement des recommandations envers les ordres professionnels. On pouvait y lire que « pour apporter ses bénéfices, la télésanté doit s’intégrer dans une vision d’ensemble, partagée par tous les intervenants » et que « pour être acceptable, du point de vue de l’éthique, la télésanté doit respecter quatre principes au cœur de notre système de santé :

(1) l’accessibilité à des soins pertinents et de qualité,

(2) une distribution juste et équitable des ressources,

(3) le partage de la responsabilité entre les acteurs, et

(4) le consentement libre et éclairé des personnes. »

La CEST a souligné notamment qu’il fallait « soutenir les usagers, les proches aidants et les professionnels dans la transformation du contexte de soins que cette innovation entraîne ».

En 2015, le Collège des médecins du Québec a publié un énoncé des bonnes pratiques en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) [7]. Le Collège soulignait « les mêmes normes déontologiques s’imposent aux médecins qui exercent par télémédecine, notamment en matière de qualité de la relation professionnelle, de secret professionnel, de consentement, d’obligation de suivi ou de tenue de dossiers dans la conduite d’une téléconsultation que lors d’une consultation en personne. ». L’ordre professionnel rappelait en avril dernier que la télémédecine n’est pas une plateforme de travail adéquate pour exercer la médecine esthétique, et que l’utilisation des médias sociaux de quelque nature que ce soit, comme Facebook, Snapchat, Twitter ou même Skype, est interdite pour communiquer avec un patient.

En 2016, le Conseil interprofessionnel du Québec a produit un document qui visait à outiller les professionnels dans la décision de la télépratique et de la gestion du dossier numérique en santé et en relations humaines [8] : « Le professionnel qui exerce au moyen de la télépratique doit référer aux mêmes standards ou normes de pratiques que l’intervention en présentiel. »

En 2019, le ministère de la Santé et des Services sociaux a déposé son Plan stratégique 2019-2023 dans lequel il identifiait quatre choix, partant d’un enjeu et définissant une orientation [9] :

(1) Le bon service, au bon moment, offert par la bonne personne : Améliorer l’accès aux professionnels et aux services

(2) Des citoyens en santé : Favoriser la prévention et les saines habitudes de vie

(3) Le plein potentiel du personnel : Prendre soin du personnel du réseau

(4) Une organisation moderne et mieux adaptée aux besoins des citoyens : Moderniser le réseau et ses approches

En août 2019, l’Association médicale canadienne (AMC) a produit un rapport, en collaboration avec la maison de sondage Ipsos, qui portait sur l’avenir de la collectivité dans les soins de santé [10]. L’enquête visait à déterminer ce que pensent les Canadiens des technologies appliquées aux soins de santé (soins virtuels ou télésanté) et des enjeux pour améliorer leur accessibilité (vie privée, humanité des soins). Il en est ressorti qu’une majorité de Canadiens voyaient d’un bon œil l’usage de la technologie pour les soins de santé. Il s’en dégageait aussi que la majorité des Canadiens demeuraient préoccupés par la protection et la gestion de leurs données numériques.

Il apparaît maintenant évident qu’en période de distanciation, les soins virtuels et la télésanté répondent aux besoins des personnes qui nécessitent un suivi, une consultation et même des traitements. Bien utilisés, ces services peuvent répondre aux besoins. La prudence s’impose toutefois pour tout professionnel qui choisit d’y recourir, car l’examen physique est souvent requis pour établir un diagnostic, ce que la télésanté ne permet toujours pas.

La télésanté et les soins virtuels sont donc incontournables, mais beaucoup reste à faire. Il est certain que le recours aux technologies par des professionnels constituera l’un des éléments marquants entre « l’avant » et « l’après » pandémie. Les technologies sont là pour rester et les prochaines générations en feront une utilisation croissante. Il nous revient maintenant de bien les utiliser, de nous entendre sur les lignes directrices et d’appliquer les bonnes pratiques, surtout qu’il est question d’intégrité et de santé.

Pour bien comprendre en quoi consiste la télésanté, vous pouvez lire la 1re partie de cet article.


[1] Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (ÉTMIS), Lignes directrices cliniques et des normes technologiques en téléréadaptation, Rapport préparé en collaboration, 2006.

[2] À la fin des années 90, un projet-pilote en télé-psychiatrie a permis de relier l’Hôtel-Dieu de Montmagny et le Centre hospitalier de l’Amiante pour sa clientèle : G. Beaulieu, « Le télénursing, ça change pas l’monde, sauf que… », (2001) L’infirmière du Québec 41 ; en oncologie, le manque d’effectif pour répondre aux besoins de la clientèle de Baie-Comeau sous les soins d’hémato-oncologues de Rimouski a donné lieu à un projet prometteur : https://www.msss.gouv.qc.ca/inc/documents/ministere/lutte-contre-le-cancer/congres-2019/5-Telesante.pdf

[3] Depuis 2014, des services de télé-thrombolyse dans les unités d’urgence de centres primaires sont disponibles dans l’ensemble des régions du Québec. Ces services permettent l’accès à une expertise neuro-vasculaire urgente et non planifiée lorsqu’un établissement ne dispose pas de ces ressources pour agir rapidement face à une personne qui souffre d’un AVC : https://msss.gouv.qc.ca/professionnels/traumatismes-et-traumatologie/avc/telesante/

[4] En 2011, l’Ordre des pharmaciens a élaboré des lignes directrices : https://www.opq.org/doc/media/805_38_fr-ca_0_ld_robotisation_techno_info_comm.pdf.

[5] https://www.ethique.gouv.qc.ca/fr/publications/telesante

[6] https://www.ethique.gouv.qc.ca/media/1065/telesante_avis_a.pdf

[7] http://www.cmq.org/publications-pdf/p-1-2015-02-01-fr-medecin-telemedecine-et-tic.pdf

[8] https://www.ethique.gouv.qc.ca/assets/documents/Telesante/CIQ_telepratique_dossier_numerique_vf_2016-10-06.pdf

[9] https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/plan-strategique/PL_19-717-02W_MSSS.pdf

[10] https://www.cma.ca/sites/default/files/pdf/Media-Releases/Lavenir-de-la-connectivite-dans-les-soins-de-sante-f.pdf ; l’AMC publiait un guide fin mars 2020 dans le but d’aider les médecins à intégrer la télésanté à leur pratique, https://www.cma.ca/sites/default/files/pdf/Guide-sur-les-soins-virtuels_mar2020_F.pdf