Depuis des siècles, nous observons l’apparition de maladies infectieuses et de virus qui mettent la vie des populations en danger. Nos deux articles précédents ont décrit les rapports de recherche, les lois et les mécanismes de protection de la santé publique qui ont été mis en place au Canada et au Québec depuis les années 70.

Malgré toutes les interventions pour améliorer les conditions de vie et de santé, l’apparition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a fait des dizaines de milliers de victimes du syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA) avant la mise au point de la trithérapie. Et à ce jour, il n’existe toujours pas de vaccin contre cette maladie transmissible sexuellement provoquée par une infection virale. Cette maladie a eu des répercussions importantes sur nos vies.

À la suite de son enquête sur le scandale du sang contaminé et de la gestion du sang de la Croix-Rouge en 1998, l’honorable Horace Krever a écrit : « puisqu’il y a une preuve raisonnable d’une menace imminente pour la santé publique, il n’est pas approprié d’exiger une preuve du lien de causalité au-delà du doute raisonnable avant d’effectuer des démarches pour répondre à cette menace ». En gros, il recommandait aux autorités sanitaires du Canada de se doter de meilleurs systèmes de contrôle.

Adoption de normes internationales

Alertée face à « la recrudescence de cas de maladies infectieuses dans un pays donné, pouvant faire courir un risque à la communauté internationale », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) adoptait en janvier 2001 une résolution de son Conseil exécutif de la nature. Le Conseil y soulignait les risques soulevés par « la mondialisation du commerce et des mouvements de personnes, d’animaux, de biens et de produits alimentaires, ainsi que de la rapidité avec laquelle ils s’effectuent » [1]. L’OMS interpellait et invitait les États membres à :

  • participer activement à la vérification et la validation des données de la surveillance et de l’information sur les urgences sanitaires de portée internationale, de concert avec l’OMS et d’autres partenaires qualifiés
  • développer la formation du personnel concerné et l’échange de bonnes pratiques entre spécialistes pour agir en cas d’alerte
  • actualiser régulièrement l’information sur les moyens dont ils disposent pour la surveillance et l’endiguement des maladies infectieuses

Suivant l’épidémie du coronavirus (CoV-SRAS) de 2002 à 2004 et l’éclosion d’infections liées au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui a causé la mort d’environ 8000 personnes dans le monde, les autorités se sont questionnées à savoir si le système de santé canadien était équipé pour répondre à un nouvel épisode de propagation virale à grande échelle.

En réponse à l’apparition de ce nouveau coronavirus, l’OMS a adopté en 2003 un premier Règlement sanitaire international, qu’il a ensuite révisé en 2005 [2], et qui avait pour objet la Sécurité sanitaire à l’échelle planétaire. Ce règlement prévoyait notamment (1) la communication de l’information par l’OMS et (2) la détermination rapide de l’existence d’une urgence de santé publique de portée internationale, et recommandait (3) la mise en place d’actions fortes en santé publique par les États concernés.

Malgré un accueil favorable de ces règles [3] et une nette amélioration quant à la sécurité de la santé globale, un nouvel état d’urgence sanitaire a été déclaré en avril 2009. Au sortir de la grippe H1N1, qui a fait des milliers de morts, l’OMS et plusieurs États ont conclu qu’il fallait prendre des mesures pour se préparer à la prochaine épidémie. Les autorités sanitaires venaient de prendre conscience qu’une pandémie se matérialiserait un jour et qu’il revenait donc aux États de se doter de plans d’urgence. L’objectif serait de coordonner la réponse à la prochaine pandémie et de se doter des équipements nécessaires pour répondre à la menace, là où elle se manifesterait.

Malgré les avis et la prévention, la COVID-19 est apparue

La Santé publique est plus qu’une loi avec des pouvoirs de contrainte, elle doit d’abord viser à mettre en œuvre les objectifs de santé pour une population. Elle a pour mission de « prévenir et de protéger », et non seulement de compter les morts comme c’était le cas lorsqu’elle a été créée. Force est de constater que la prévisibilité de l’infection avec le nouveau coronavirus existait et que le gouvernement avait les pouvoirs de mettre en garde la population et les autorités appelées à répondre à la propagation du virus.

Lorsque l’état d’urgence a sonné au début de l’année 2020, certains ont souligné à nouveau le manque de financement des programmes de protection de la santé à l’échelle planétaire [4].

Le souhait de trouver un traitement et le travail acharné pour découvrir un vaccin face à une maladie mortelle doivent persister. La bataille contre la propagation d’un nouveau virus gagne à être connue à l’avance par la population afin que nous évitions les pires scénarios. Nous devons comprendre que la mise au point d’un traitement ne sera possible qu’à coût de vies, comme cela a été le cas pour mettre un terme à l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest.

Dans un article de l’AMA Journal of Ethics, le Dr Abraar Karan MD, MPH, DTM&H a d’ailleurs conclu en janvier 2020 que, « This death toll expresses a failure of individual health security and, as such, a failure of collective health security. Global beneficence demands that protection of human life should supersede protection of nations, borders, international relations, and politics. The global health community’s failure to prioritize beneficence and individual health security is ethically unacceptable ». [5]  Reconnu mondialement, cet expert travaille actuellement au Massachusetts Department of Public Health afin de trouver une réponse à la présente épidémie de la COVID-19. Il insiste pour dire que la sécurité collective est plus importante que la sécurité individuelle.

Dans cette situation actuelle, la Direction de la santé publique doit plus que jamais jouer le rôle d’aviser les instances publiques des menaces pour la santé de la population afin qu’elles puissent planifier les réponses appropriées : ressources humaines, techniques et financières, et élaborer les plans d’urgence nécessaires. Face à un danger réel, il importe que les autorités informent la population de l’état des lieux afin qu’elles puissent faire les choix nécessaires et prendre les moyens qui s’imposent. La santé publique fait partie de notre responsabilité collective. Les autorités doivent travailler de concert avec la population afin que les drames humanitaires, comme celui que nous vivons, ne se répètent pas.

 

Pour comprendre l’ensemble de la problématique, nous vous invitons à lire les deux articles précédents :

Maladies infectieuses et santé publique : Partie 2

Maladies infectieuses et santé publique : Partie 1

 


[1] Sécurité sanitaire mondiale : alerte et action en cas d’épidémie

[2] Règlement sanitaire international

[3] Kimball AM et al, « Regional Infectious Disease Surveillance Networks and their Potential to Facilitate the Implementation of the International Health Regulations », (2008) Medical Clinics vol. 92, p. 1459; Kluge H. et al, « Strengthening global health security by embedding the International Health Regulations requirements into national health systems » (2018) British Medical Journal Global Health, vol. 3, p. 1

[4] Tel l’ambassadeur John Lange de la Fondation des Nations Unies, dans son communiqué du 13 février 2020

[5] AMA Journal of Ethics – January 2020, Volume 22, Number 1: E50-54