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Il aura fallu des centaines de morts dans les CHSLD et des histoires dramatiques rapportées dans les médias pour que le gouvernement permette l’accès des proches aidants aux aînés hébergés. Pourtant, nombreux sont ceux [1] qui savaient ou devaient savoir que la situation dans ces milieux de vie s’était terriblement dégradée, au point où le personnel était incapable de répondre aux besoins de la clientèle.

Ainsi, la tolérance à la dégradation s’est installée alors qu’une mobilisation s’imposait.

Mais qu’est-ce qui explique que nous ne soyons pas en mesure d’améliorer les conditions de vie et les services aux aînés ? Pourquoi les crises dans le réseau de la santé se répètent-elles ? Qu’est-ce qui explique autant de quiétude face à des situations intolérables ?

Les aidants sont requis partout

Plus l’autonomie d’une personne diminue, plus son besoin de protection augmente. Les études ont même révélé qu’une personne perd 50% de son autonomie au cours de la première année d’hébergement. Pour pallier cette perte, le contact avec les proches est essentiel, car ils agissent comme ses yeux et sa voix. Félix Leclerc a écrit : « Le cadeau d’une personne est plus précieux que l’or ». En privant les personnes âgées hébergées de leurs proches [2], on leur a coupé l’eau, la vie, et le sentiment de bien-être qu’ils leur apportaient.

La dignité comme valeur collective

Comme l’énonce la Charte québécoise, « Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne… et a droit à la sauvegarde de sa dignité. » L’atteinte à la dignité que nous mesurons aujourd’hui a déjà été quantifiée par les tribunaux [3].

Le Tribunal des droits de la personne écrivait en 1995, « chaque être humain possède une valeur intrinsèque qui le rend digne de respect. » Du seul fait de leur existence, les personnes âgées et hébergées en centres d’hébergement méritent le respect. Et, la nature des soins et des services requis par leur état revêt une importance fondamentale pour répondre à leur besoin de dignité.

Depuis 2009, beaucoup d’énergie a été déployée au Québec pour adopter une loi visant à obtenir une « mort dans la dignité ». Elle est finalement entrée en vigueur en 2015. Paradoxalement, bien peu d’énergie a été consacrée à favoriser la « vie dans la dignité » des personnes hébergées en centres. La souffrance des personnes résidentes, des aidants, des proches et du personnel devrait nous indiquer la voie à suivre pour réformer les milieux de vie de longue durée. Nous avons le devoir de les écouter.

Des changements s’imposent

À écouter le récit de la situation dramatique qui se déroule sous nos yeux depuis plus d’un mois, il est temps d’exiger que les droits des personnes âgées et hébergées soient respectés : dignité, sécurité, intégrité doivent prévaloir. La bienveillance ne suffira plus à répondre à leurs besoins. Il reste beaucoup à faire avant que la société croie vraiment que « personne n’est propriétaire du soin, car il concerne absolument chacun. [4] »

Pour opérer un véritable changement, il faudra :

(1) reconnaître la contribution et la participation des aidants, à titre de partenaires des services de santé

(2) tenir compte des recommandations des personnes qui connaissent de près la problématique

(3) faire appel à des personnes qui ont déjà réalisé des réformes respectueuses des droits des usagers

(4) souhaiter une implication citoyenne auprès des aînés

(5) améliorer les conditions de travail des soignants à travers la province

Les générations qui traversent la pandémie ont le pouvoir de réclamer des changements. Souhaitons qu’elles soient moins tolérantes et qu’elles travaillent à éviter les situations inacceptables comme celle que nous vivons, afin que ça ne se reproduise plus.


[1] Incluant les gouvernements, les associations, les comités, les représentants légaux, le curateur public.

[2] En 2003, le gouvernement a reconnu les proches aidants comme des partenaires du réseau de la santé dans sa Politique de soutien à domicile.

[3] Notamment les décisions de la Cour suprême Morgentaler, 1988, et Curateur public c. St-Ferdinand d’Halifax (CSN) 1996.

[4] Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique de l’Université catholique de Louvain en Belgique, 2005.