L’année 2020 a révélé des enjeux cruciaux auxquels notre société fait face. Les événements des derniers mois nous ont identifié les faiblesses sur lesquelles nous devons travailler collectivement afin de réduire ces maux qui nous affligent. Ainsi, malgré qu’elle soit interdite par les chartes et les lois, la discrimination, et les inégalités qui en découlent (et que l’on n’ose pas nommer !), constitue l’un des principaux enjeux signalés.

Âgisme envers les aînés

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré l’état de pandémie, bien que de nombreux pays avaient déjà déclaré la guerre au nouveau coronavirus. Au Québec, à la fin de mai 2020, l’infection virale avait causé la mort d’environ 4 500 personnes et frappé une population en particulier : les personnes âgées.

En date du 7 juin 2020, les personnes âgées de 80 ans et plus comptaient pour 72% des décès au Canada, bien qu’elles n’aient représenté que 18% des malades [1]. Les personnes âgées de 60 à 79 ans ont quant à elles compté pour 25% des morts. En proportion, ils ont été aussi nombreux que les 80 ans et plus à tomber malades, soit 18%. Les malades de 40 à 59 ans et ceux de 39 ans et moins ont représenté que 3% des morts, mais ont constitué plus 65% des cas. Au Québec, 82% des cas de décès sont survenus dans les centres de soins de longue durée ou CHSLD.

Les conditions de vie de ces résidences ont fait l’objet de nombreuses plaintes et ont conduit à des rapports publics depuis des années, mais l’insuffisance de services de qualité à l’égard des aînés n’a pas été prise au sérieux. Les personnes âgées et hébergées ont été ignorées et abandonnées en raison de l’indifférence générale de leur situation. Elles ont été délaissées seules vu leur condition et leur âge avancé [2]. Elles ont été victimes d’un traitement en tant que groupe (âge avancé) plutôt qu’en tant que personnes.

Les personnes âgées décédées n’ont pas été vues sur une vidéo et celle-ci n’est pas devenue virale. Personne n’est descendu dans la rue pour dénoncer leurs conditions de vie inacceptables, mais des célébrations ont eu lieu pour les survivants et les soignants. Il y a pourtant matière à s’indigner et à se révolter, car vivre sans soins et services adéquats en milieu de soins de longue durée, c’est vivre dans l’indignité. Avec raison, la tolérance à l’indignité doit cesser.

Racisme envers les gens de couleur

Le geste posé contre George Floyd, par un policier blanc et assisté de ses complices, le 25 mai à Minneapolis, a fait réagir et des milliers de personnes sont descendues dans la rue partout au pays et à travers le monde. Les manifestants réclamaient justice et souhaitaient qu’on reconnaisse l’égalité dans l’exercice de leurs droits. Depuis cette date, la dénonciation de la discrimination raciale n’a fait que s’intensifier. On a parlé du racisme comme d’une pandémie pire que celle engendrée par le nouveau coronavirus. On a dit que le virus du racisme survit depuis 400 ans dans les États d’Amérique et qu’il faut maintenant l’éradiquer pour de bon. Ils ont raison.

La critique de cet acte va peut-être entraîner la mort d’un autre être humain, jeune et peut-être délinquant. La situation ne doit laisser personne indifférent et nous devons exiger des changements. Pour une fois, les gouvernements semblent vouloir agir et modifier les lois et les règlements pour répondre à la colère et à l’indignation populaire. Il y a de l’espoir…

Outils légaux et changements sociaux

Les chartes et les lois ont fourni des outils pour lutter contre la distinction basée sur l’âge, la couleur, le sexe, le handicap depuis les 1975 au Québec avec plus ou moins de succès. Les démarches d’enquêtes se sont révélées d’une lenteur extrême dans des cas de plaintes. Ces instruments qui devaient permettre de condamner l’âgisme ou le racisme restent toujours difficiles d’accès : délais trop longs, démarches trop coûteuses et conséquences trop éprouvantes pour les victimes. Les enquêtes publiques et les actions collectives ne sont pas venues à bout des dénis de droits et de la discrimination.

Les choses peuvent-elles changer ?

Personne n’est au-dessus des lois et les lois à elles seules ne peuvent pas tout régler, non plus que les promesses gouvernementales. Le regard que l’on a porté sur une personne, qu’elle soit âgée ou de couleur ne vient pas de l’existence d’une loi. Il provient d’ailleurs, de bien plus loin.

Or, le moment est bien choisi pour relancer des idées rassembleuses autour des vieilles personnes de la société afin de teinter le discours des prochaines générations. Il est éminent que nous nous dotions de meilleurs moyens pour lutter contre l’âgisme. Considérer et inclure les aînés dans le quotidien est la première étape. S’inspirer d’autres cultures, qui respectent mieux les aînés, suit comme deuxième étape. Comme 3e étape, l’école doit enseigner aux jeunes la bonne attitude à adopter. Et finalement, comme 4e moyen, on doit respecter la vieillesse.

Il faut peut-être s’inspirer et travailler avec celles et ceux qui font l’objet de racisme afin d’enrayer l’âgisme que nous n’osons pas dénoncer ? Voilà le défi de société que nous devrons relever afin de survivre à la présente crise et aux autres qui viendront.


[1] Naël Shiab et Daniel Blanchette-Pelletier, « Qui meurt de la COVID-19 au Canada », Radio-Canada, 8 juin 2020, https://ici.radio-canada.ca/info/2020/06/deces-morts-covid-19-coronavirus-provinces-repartition-visualisation-3d/.

[2] L’âgisme se manifeste par des attitudes ou des préjugés envers les personnes âgées ou le processus du vieillissement. Association québécoise de gérontologie : « L’âgisme est un processus par lequel des personnes sont stéréotypées et discriminées en raison de leur âge et qui s’apparente à celui du racisme et du sexisme. » (Dr Robert Butler, 1975); http://www.aqg-quebec.org/grands-dossiers/agisme/je-m-informe-1/qu-est-ce-que-l-agisme