Dans le billet de blogue du 23 novembre dernier, il était question de la réforme qu’apporte le projet de loi no 52 au processus de gestion des plaintes administratives dans le réseau de la santé. Aujourd’hui, nous nous penchons sur ce qu’il apporte à la lutte contre la maltraitance à l’égard des aînés et des personnes en situation de vulnérabilité. Situons d’abord le cadre dans lequel ce deuxième volet s’inscrit.

Signalements et politique de lutte contre la maltraitance

La société québécoise a adopté au cours des années 70 plusieurs lois à caractère social énonçant et reconnaissant des droits civils. En 2002, le Québec s’est distingué en participant à la Conférence internationale de l’ONU visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés. Pour l’État québécois, la reconnaissance de l’autonomie des personnes âgées et la protection des personnes les plus vulnérables de notre société constituent donc une préoccupation depuis des années.

Puisque la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité est inacceptable pour l’État, le gouvernement a adopté une loi qui vise précisément à lutter contre ce phénomène, dans le respect des droits de la personne. Le 30 mai 2017, la Loi visant à lutter contre la maltraitance à l’égard des personnes aînées et des personnes vulnérables[1] est entrée en vigueur. Depuis, deux plans d’action ont été adoptés dans le cadre de la politique de lutte contre la maltraitance.

Application de la loi visant à lutter contre la maltraitance

La loi énonce des moyens à mettre en place pour lutter contre la maltraitance. Elle édicte des mesures pour faciliter la dénonciation de situations de maltraitance. Elle décrète la mise en œuvre d’une entente-cadre nationale pour atteindre son objectif. Elle permet au gouvernement de réglementer certaines mesures de surveillance.

La loi a pour objet de protéger les aînés et les personnes majeures en situation de vulnérabilité dans le réseau de la santé[2]. Elle vise donc d’abord et avant tout les établissements de santé et de services sociaux, particulièrement les ressources intermédiaires (RI) et les ressources de type familial (RTF), de même que les organisations, les sociétés et les personnes auxquelles ces établissements ont recours.

Responsabilités des établissements de santé

Les établissements ont pour responsabilité :

  • d’adopter une politique de lutte contre la maltraitance applicable à l’établissement et d’en assurer le respect;
  • de déployer des ressources nécessaires pour lutter contre la maltraitance et l’enrayer;
  • de faire connaître la politique qui a été adoptée, son contenu, les mesures de prévention mises en place et la possibilité de signaler un cas de maltraitance;
  • d’en informer les « personnes œuvrant pour l’établissement », soit les médecins, dentistes, sages-femmes, membres du personnel, résidents en médecine, stagiaires, bénévoles et toute autre personne physique qui fournit directement des services pour le compte de l’établissement.

Un centre intégré de services de santé et de services sociaux (CISSS) doit aussi faire connaître sa politique aux intervenants du réseau de la santé qui agissent dans le territoire qu’il dessert.

Politique de lutte contre la maltraitance

Les établissements de santé avaient jusqu’au 30 novembre 2018 pour adopter une politique de lutte contre la maltraitance. Celle-ci doit être révisée tous les cinq ans. La politique s’applique, que les services soient rendus dans une installation (hôpital, CHSLD, etc.) ou à domicile. Les établissements doivent afficher leur politique à la vue du public et la publier sur leur site Internet. Ils doivent la faire connaître à leurs usagers et aux membres significatifs de leur famille.

Il revient au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services de recevoir les plaintes et les signalements relatifs à des situations de maltraitance [3]. Un signalement peut être fait verbalement ou par écrit. Le commissaire local aux plaintes doit les traiter de manière confidentielle. Il doit également présenter à l’établissement un bilan annuel des plaintes et signalements reçus.

La politique de lutte contre la maltraitance doit être appliquée par toute RI ou RTF qui accueille des usagers majeurs, ainsi que par tout exploitant d’une résidence privée pour aînés.

Le projet de loi no 52 élargit l’application de la loi aux établissements privés en ce que la formulation d’une plainte ou le signalement concernant un cas de maltraitance dans un établissement privé s’effectue auprès du commissaire local aux plaintes et à la qualité des services du CISSS qui a compétence pour la recevoir et la traiter.

Vers un avenir meilleur?

L’entrée en vigueur du projet de loi no 52 ouvre la voie vers le dépôt de plaintes auprès des commissaires locaux pour une clientèle nombreuse d’aînés et de personnes en situation de vulnérabilité vivant dans des établissements privés. Elle pourrait créer un mouvement vers une amélioration de la vigilance de ces milieux de vie et une dénonciation de situations inacceptables s’apparentant à de la maltraitance. Pour que l’élargissement de la portée de la loi aux établissements privés porte fruit, il incombe aux commissaires locaux aux plaintes et signalements d’accorder l’importance et l’attention requise à chaque plainte et à chaque signalement reçu.

Un protecteur des aînés, indépendant des commissaires qui reçoivent les plaintes des usagers, serait-il mieux placé pour protéger les personnes les plus vulnérables ? Un protecteur des aînés ayant pour mandat de s’attarder au seul secteur des soins et services rendrait-il mieux service à la population vieillissante ? Faut-il se doter d’une autre structure, parallèle au Protecteur du citoyen pour protéger une partie grandissante de la population ? À quand une politique globale sur le bien vieillir ?

Une partie de la réponse se trouve dans le projet de loi no 18, adopté en juin 2020. Il prévoit une réforme complète de la représentation légale des personnes. Il propose une révision approfondie des régimes de protection et l’octroi du pouvoir de désigner à l’avance une personne habilitée à représenter une personne en situation de vulnérabilité, sous réserve d’approbation.

Nous verrons en 2021 en quoi consiste cette réforme dont la réalisation est prévue pour 2022… D’ici là, portez-vous bien, veillez sur les proches aidants, les personnes aînées et les personnes en situation de vulnérabilité de votre entourage, et bonne saison des Fêtes où que vous soyez!

[1] Après consultation en commission parlementaire suite au dépôt de 112 mémoires : https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-et-soutien/maltraitance-aines/loi-visant-a-lutter-contre-la-maltraitance-envers-les-aines-et-toute-autre-personne-majeure-en-situation-de-vulnerabilite/

[2] Les situations de maltraitance envers les aînés ou une personne majeure en situation de vulnérabilité en dehors du réseau de la santé peuvent toujours être signalées à la police, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ou encore au Curateur public du Québec.

[3] Le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services a pour mandat de recevoir et d’examiner les plaintes des usagers des services. Il répond à ces plaintes ce qui permet de revoir les pratiques et les politiques dans le but d’améliorer la qualité des services. Le commissaire peut recevoir une plainte verbale ou écrite.