Ce billet s’inscrit comme le dernier d’une série de trois billets portant sur le Plan d’action qui découle de la Politique nationale visant la reconnaissance et le soutien des personnes proches aidantes (consulter les textes publiés précédemment : Un premier Plan d’action gouvernemental et À l’origine du premier Plan d’action gouvernemental)

Ce premier Plan d’action en matière de proche aidance dont s’est doté le gouvernement du Québec en octobre 2021 compte 12 orientations et s’étendra sur une période de 5 ans, soit de 2021 à 2026. Au total, ce sont 61 mesures qui devront être mises en place. Nous en avons retenu cinq que nous commenterons, car elles nous interpellent et suscitent la critique.

Ayant pour objectif de reconnaître le travail des personnes proches aidantes, le Plan d’action gouvernemental vise à « sensibiliser la société québécoise au rôle et à l’apport indéniable des PPA », notamment en :

  • Analysant « la pertinence et la faisabilité de reconnaître certains droits aux PPA et les obligations qui en découlent ainsi que d’établir et de maintenir un registre public des PPA visant notamment à favoriser la reconnaissance de leur rôle. »

Cette mesure nécessite que nous nous penchions sur la question des droits et des obligations des PPA. Il s’agit d’un enjeu majeur. Quand, dans l’exercice d’une activité, des droits sont reconnus, il devient possible d’en imposer le respect. Quant à la reconnaissance des obligations, elle impose de les respecter sous peine de plaintes en cas de manquement. La loi entrée en vigueur en octobre 2020 reconnaît et définit le statut légal, et particulier, des PPA.

Si elle devait être concluante, l’analyse entourant la proposition de cette mesure conduirait possiblement à la mise sur pied d’un registre des PPA, ce qui soulève la question suivante: à qui bénéficieraient l’octroi de droits et l’imposition d’obligations aux PPA? Quel serait l’intérêt de constituer un registre, nécessairement public, faisant connaître l’identité des PPA? L’analyse devra prendre en considération les bénéfices tant pour les PPA que pour les personnes aidées.

  • Impliquant « les PPA (tuteurs, assistants, citoyens) au développement des services du Curateur public. »

Cette mesure s’inscrit dans l’optique de favoriser la collaboration des PPA dans le développement d’actions visant à les reconnaître. Les PPA ont un statut légal reconnu. Elles peuvent être à la fois PPA, citoyenne, conjointe, enfant, proche parent, tutrice, assistante à une personne majeure, mandataire, curatrice, voisine, copropriétaire, ex-conjointe, etc. Elles œuvrent pour la personne, de manière volontaire, libre et engagée. Elles peuvent mettre un terme à leur implication, au besoin, sans qu’on le leur reproche. Leur soutien et leur reconnaissance sont primordiaux comme le reconnaissent la loi, la Politique nationale et le Plan d’action gouvernemental.

Ainsi, on se questionne sur l’objectif d’impliquer les PPA au développement des services du Curateur public, une instance gouvernementale. Selon nous, il incombe à cette instance de soutenir les PPA plutôt que l’inverse. L’implication du Curateur public auprès des familles, des personnes aidées et des PPA n’est pas toujours harmonieuse.

Il faut certes réfléchir à la mise en œuvre d’actions visant à reconnaître les PPA, mais à notre avis, il faut trouver d’autres moyens que celui de favoriser le Curateur public en développant son champ de juridiction. Il est un substitut aux familles et il doit le rester. En impliquant les PPA au développement de ses activités et objectifs, on accorde au Curateur public une reconnaissance plus grande que ce que lui permet la loi, ce que nous ne favorisons pas.

Un autre objectif du Plan d’action gouvernemental consiste à partager de l’information, promouvoir des ressources et développer des connaissances afin d’« identifier les besoins d’information et de formation des PPA et y répondre », notamment en :

  • Soutenant « les organisations et les PPA dans leur transition vers une offre de soutien en mode numérique. »

La mesure est louable. Il faut toutefois prévoir que certaines PPA ne pourront franchir cette étape transitionnelle pour différentes raisons. Leur soutien reste néanmoins nécessaire et des moyens autres qu’électroniques devraient également être envisagés.

  • Soutenant « la diffusion de l’information de nature juridique mise en valeur par Éducaloi auprès des PPA et des intervenants. »

Cette mesure mérite d’être saluée. Depuis des années, Éducaloi fournit de l’information juridique pour le bien des aînés et de leurs proches. Cette information est concise, complète et claire. Il serait en outre souhaitable qu’Éducaloi maintienne l’accessibilité à l’information en format papier (p. ex. : contrat de procuration, mandat de protection, testament, et information sur la façon de gérer le décès et la succession d’une personne, etc.). Ces outils ne peuvent qu’être bénéfiques pour les PPA et les intervenants qui doivent être informés pour mieux assister les personnes aidées et faire les choix nécessaires.

  • Concevant « une formation pour les intervenants, professionnels et gestionnaires du RSSS et du milieu communautaire sur les caractéristiques et les besoins des PPA, sur les interventions à privilégier et sur l’approche de partenariat en contexte de soins et de service. »

S’il existe un enjeu facilement identifiable en matière de proche aidance, c’est bien celui du refus de reconnaissance du rôle de la personne proche aidante comme partenaire dans le contexte de soins et de services. Cette notion de « partenaire » a été introduite il y a 20 ans dans le contexte de la politique de maintien à domicile. Elle a depuis souvent été soit mal comprise, soit niée par les intervenants, professionnels et gestionnaires du réseau.

Les explications du refus de reconnaître la PPA partenaire sont de deux ordres : 1) les intervenants, professionnels et gestionnaires considèrent qu’ils savent mieux que quiconque ce qui convient le mieux à la personne aidée; 2) ils présupposent que les PPA agissent dans leur intérêt personnel et les soupçonnent de conflits d’intérêts ou de maltraitance envers la personne aidée, sans qu’il soit toutefois possible d’en faire la preuve. Or, l’expérience nous a appris que chaque situation comporte son lot de défis, de difficultés et de particularités qu’il faut considérer avant de tirer des conclusions.

La reconnaissance de la présence et du soutien de la PPA auprès de la personne aidée est rarement néfaste pour cette dernière. Le plus souvent, la personne proche aidante exprime de bonne foi sa connaissance des besoins et des réponses aux besoins de la personne aidée. Malheureusement, le personnel soignant omet d’entendre ou d’écouter la PPA, ou encore ne prend pas le temps de reconnaître sa connaissance et son expertise sur le plan humain. Dans cette dernière mesure à laquelle nous nous attardons, la formation des personnes qui fournissent des services de soins de santé et des services sociaux sera primordiale à la réalisation de l’objectif du partage des connaissances. Elle devrait comporter un volet juridique pour que celles-ci puissent comprendre l’importance du rôle de la PPA dans l’ensemble des soins et services offerts à la personne aidée.