Dernier billet d’une série de six billets sur le PL 11.

Dans les billets antérieurs, nous nous sommes attardés aux modifications plus importantes que propose le projet de loi 11. D’autres modifications méritent enfin d’être soulignées.

Autres modifications

Dans une moindre importance, le PL 11 apporte les modifications suivantes à la LCSFV:

  • Le critère de « fin de vie » est retranché pour chacun des articles qui l’indiquaient comme condition à satisfaire pour obtenir l’AMM (art. 3);
  • La notion de « professionnel compétent » est proposée pour désigner un médecin ou une infirmière praticienne spécialisée (art. 4). Ce changement découle du fait que les soins de fin de vie peuvent être prodigués par les infirmières praticiennes spécialisées. L’expression « professionnel compétent » a fait sourciller puisqu’elle semble suggérer qu’il y aurait des professionnels incompétents. C’est pourquoi le Barreau du Québec a proposé de la remplacer par « professionnel autorisé [1]».
  • Les infirmières praticiennes spécialisées peuvent administrer la sédation palliative continue et l’AMM.
  • Les maisons de soins palliatifs ne peuvent pas exclure l’AMM des soins qu’elles offrent (art. 9). À ce sujet, lors de l’adoption de la LCSFV, celles-ci ont été exemptées de devoir fournir l’AMM. Le PL 11 ne prévoit pas si toutes les maisons de soins palliatifs devront se conformer et si celles qui avaient été exemptées conserveront le choix de se soustraire à cette obligation. Cet article mériterait une clarification.
  • Le PL 11 ne discute pas de l’élargissement de l’accès à l’AMM pour les personnes mineures.
  • Il apporte des modifications à la composition de la Commission sur les soins de fin de vie, à son mandat, et aux règles concernant les renseignements qui doivent lui être transmis et l’utilisation qu’elle peut en faire (art. 24 à 26).
  • Le refus du professionnel d’administrer l’AMM pour des raisons personnelles est maintenu (art. 31).
  • Au registre des DMA s’ajouteraient les demandes anticipées d’AMM (art. 38).
  • Le PL 11 modifie également la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès en élargissant le pouvoir de constater un décès aux infirmières praticiennes spécialisées (art. 45).

Conclusion

Il ne fait aucun doute que l’AMM demeure un sujet sensible, controversé et qui interpelle toute la société. Les modifications apportées par un projet de loi, si minimes ou si importantes soient-elles, peuvent avoir des répercussions sur les droits des personnes, sur la perception que la société entretient de certaines personnes, sur le respect des différences, des capacités ou des incapacités. C’est pourquoi l’exercice du Gouvernement visant à élargir la LCSFV par le biais du PL 11 et le PL 38 est sujet à discussion, à réflexion et à clarification.

Il y a près de 15 ans commençaient, au Québec, les consultations sur la question de la légalisation de l’AMM. Les avancées ont été significatives depuis 2009. Malgré les pressions faites sur le Gouvernement d’adopter une loi qui introduira les demandes anticipées d’AMM, il apparaît nécessaire de se pencher plus attentivement sur des notions nouvelles qui n’ont pas été discutées lors de l’élaboration et de l’adoption de la LCSFV en 2014, qui a fait consensus. Les notions de handicap, de handicap neuromoteur, de manifestation de refus d’administration dans un contexte d’inaptitude à consentir, de souffrances observées, constatées ou objectivées par les professionnels, en plus de l’élaboration d’un formulaire dans l’anticipation de souffrances persistantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées, portent sur des questions nouvelles et méritent des clarifications.

Des questions relatives à l’intégrité, à la capacité et à l’égalité sont au cœur des réflexions. Les défis sont tangibles pour le législateur et la société. Ils continueront de nous interpeller, car d’autres décisions sont attendues dans un proche avenir. L’encadrement de l’accès à l’AMM pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental, et l’accès pour les mineurs de 14 ans est aussi appelé à être étudié. Nous nous sommes engagés comme société dans la démarche de droit avec une réponse qui place le Québec en 2022 au premier rang mondial des sociétés ayant recours à l’AMM, devant les Pays-Bas et la Belgique. Il faudra de la vigilance et d’autres débats pour nous permettre de bien situer nos attentes comme société et la réponse du législateur dans le respect des droits de toutes les personnes.

C’était le dernier article de la série sur le PL 11. Qu’est-ce que ce projet de loi éveille en vous? Croyez-vous que les modifications proposées ont fait l’objet d’une étude suffisante? Revenez sur ma page LI pour me faire part de vos commentaires sur le sujet et me dire si cette série de billets vous a permis de mieux comprendre certains enjeux du PL.


[1] BARREAU DU QUÉBEC. Projet de loi no 11 — Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives, Mémoire, mars 2023, p. 23.