En juin 2020, le gouvernement a adopté le projet de loi no 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives. Puis, suivant son cheminement, en septembre dernier, le projet a été étudié en commission parlementaire, étape à laquelle des organismes ont soumis leurs commentaires. Quelle est la portée de ce texte de loi novateur? Voyons de plus près.

Préambule de la Loi

Le préambule d’une loi met en contexte le fondement de son adoption. On y recourt notamment devant un tribunal quand on veut forcer une instance à respecter la loi, et pour démontrer l’intention du législateur. En l’occurrence, la Loi comporte cinq motivations :

  • Il est fondamental de reconnaître l’apport considérable des personnes proches aidantes à la société québécoise et l’aspect déterminant de leur engagement;
  • Les responsabilités inhérentes au rôle des personnes proches aidantes peuvent entraîner des répercussions significatives sur leur qualité de vie;
  • Il est essentiel pour les personnes proches aidantes de se reconnaître et d’être reconnues dans la diversité des réalités qu’elles vivent de leurs parcours de vie et des contextes dans lesquels elles assument leur rôle;
  • Chaque personne proche aidante est une personne à part entière qui doit être traitée avec dignité, bienveillance et sollicitude;
  • Il y a lieu d’affirmer la volonté du gouvernement du Québec et de l’ensemble de la société québécoise de se mobiliser afin de mettre en œuvre solidairement des actions concertées visant à faire connaître la contribution des personnes proches aidantes, à la faire reconnaître et à soutenir ces personnes dans leur rôle.

Qu’est-ce que le projet de loi 56 apportera à notre société?

La Loi visant la reconnaissance des proches aidants vise à orienter les actions du gouvernement. Elle comporte cinq nouveautés:

  • L’adoption d’une politique nationale pour les personnes proches aidantes
  • La création d’un Comité de suivi chargé de vérifier les actions des intervenants gouvernementaux
  • L’institution d’un Comité de partenaires concernés par le soutien aux proches
  • La création de l’Observatoire québécois de la proche aidance
  • L’octroi au ministre de la Santé et des Services sociaux d’un pouvoir d’inspection des résidences privées pour aînés et de toute autre ressource ou catégorie de ressource offrant de l’hébergement.

La Loi proclame aussi la première semaine de novembre Semaine nationale des personnes proches aidantes.

Innovations de la loi québécoise sur la proche aidance

Une politique nationale sera élaborée après consultation auprès de personnes proches aidantes, de chercheurs, d’organismes et de groupes représentant des proches aidants, et de ministères et d’organismes gouvernementaux. Elle devra s’appuyer sur six principes directeurs (art. 4) :

  • Reconnaissance de leur apport considérable et de l’importance de les soutenir;
  • Préservation de leur santé, de leur bien-être et de leur équilibre de vie;
  • Considération de la diversité des réalités des personnes proches aidantes[1] dans la réponse à leurs besoins;
  • Reconnaissance et considération de leur expérience et de leurs savoirs dans le cadre d’une approche basée sur le partenariat;
  • Respect de leurs volontés et de leurs capacités quant à la nature et à l’ampleur de leur engagement;
  • Concertation gouvernementale et collective aux niveaux national, régional et local en impliquant les personnes proches aidantes pour favoriser des réponses adaptées à leurs besoins.

Les orientations de la politique nationale s’articuleront autour de quatre axes (art. 5) :

  • Reconnaissance et auto-reconnaissance des proches aidants et mobilisation des acteurs concernés par la proche aidance;
  • Partage de l’information et développement de connaissances et de compétences;
  • Développement de services de santé et de services sociaux dédiés aux proches aidants dans une approche basée sur le partenariat;
  • Développement d’environnements soutenant la participation sociale des proches aidants.

Le plan d’action découlant de la politique nationale devra être révisé tous les cinq ans et rendu public (art. 10). Les participants clés à l’élaboration du plan d’action devront quant à eux se réunir au moins une fois par année pour discuter du suivi du plan d’action (art. 11). La responsabilité de l’application de la loi incombe au ministre responsable des Aînés.

Le Comité de suivi chargé de vérifier les actions gouvernementales sera composé de représentants des ministères et des organismes du gouvernement ou de personnes nommées par le gouvernement. Il sera chargé d’assurer le respect de la politique nationale et de ses orientations.

Le Comité de partenaires concernés par le soutien aux personnes proches aidantes sera composé d’organismes, de chercheurs et d’observateurs qui s’intéressent à la proche aidance:

  • Deux membres nommés après consultation d’organismes non gouvernementaux concernés par le soutien aux personnes proches aidantes
  • Deux personnes proches aidantes sélectionnées à la suite d’un appel public
  • Deux chercheurs nommés après consultation
  • Un membre de l’Observatoire québécois de la proche aidance choisi après consultation
  • Un observateur nommé par le ministre des Aînés

Ce comité aura pour fonctions de (art. 24) :

  • Faire au ministre toute recommandation qu’il juge nécessaire concernant la politique et le plan d’action;
  • Soutenir le ministre et le Comité de suivi dans la mise en œuvre de la politique et du plan d’action;
  • Donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui soumet quant à la proche aidance.

Il pourra recommander de procéder à des consultations, de solliciter des opinions, de recevoir et d’entendre des suggestions de personnes concernées en matière de proche aidance. Il devra également remettre un rapport annuel.

La loi institue l’Observatoire québécois de la proche aidance, lequel sera dirigé par onze membres (art. 28). Un comité de direction au sein de l’Observatoire déterminera les orientations scientifiques, les objectifs et les politiques, pour les transmettre ensuite au ministre. L’Observatoire aura pour objectif de fournir une information fiable et objective en matière de proche aidance. Il a pour fonctions de (art. 34) :

  • Recueillir, intégrer, compiler, analyser et diffuser des renseignements sur l’aidance;
  • Assurer une veille de l’évolution des besoins des personnes proches aidantes et des moyens pour les soutenir;
  • Faciliter le transfert des connaissances au bénéfice des divers intervenants impliqués;
  • Faciliter des collaborations en matière d’aidance avec des institutions universitaires, des centres de recherche d’autres observatoires, des organismes du gouvernement, etc.

L’Observatoire devra rendre compte au ministre annuellement.

À la lumière du préambule de la Loi, des cinq grandes nouveautés qui seront mises en place, des principes directeurs et des quatre axes d’orientation de la politique nationale soulignés précédemment, l’ampleur du mandat s’annonce colossale. Quelles sont les difficultés qui attendent les intervenants et acteurs clés qui seront investis de la mission?

Profitons de la semaine nationale des personnes proches aidantes qui se déroulera du 1er au 7 novembre 2020, pour écouter la réalité d’une personne proche aidante de notre entourage et lui offrir notre soutien.

Dans le prochain billet de blogue, nous reviendrons sur l’importance de connaître les diverses réalités des proches aidants et de reconnaître leur apport afin de bien les soutenir.

 

[1] Le texte de loi utilise l’expression épicène « personne proche aidante » plutôt que « proche aidant-e ».