Mise à jour

Cet article a fait l’objet d’une mise à jour que vous pouvez consulter ici.

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé qualifiait de pandémie la situation entourant la prolifération du SRAS-CoV-2. Le 24 mars, le Gouvernement du Québec décrétait l’état d’urgence sanitaire. Cet état d’urgence comportait des dispositions quant au confinement de la population, aux restrictions de mobilité, à la fermeture de commerces, à l’arrêt de plusieurs secteurs d’activité économique et à la suspension de services.

Pour leur part, les locataires des résidences privées pour aînés (RPA) ont été privés de services inclus dans leur bail, notamment : salle de lavage, services de loisirs, bibliothèque, lieu pour recevoir des visiteurs, piscine, salle de billard, salle de cinéma maison, salle de loisirs multifonctionnelle, salle de réception, salon Internet, aire de jeux, aire de repos, jardin, chapelle, service de navette, etc. Sauf exception, aucune compensation financière pour la coupure de ces services n’a été offerte par les exploitants. Ainsi, à partir de mars 2020 des services prévus au bail de location ont été complètement coupés. Certains services ont repris partiellement au début du mois de juillet 2020. D’autres sont toujours suspendus, comme l’utilisation de la chapelle et le service de guichet de Desjardins.

Donc, les locataires résidents des RPA demeurent sans le retour de tous les services, mais continuent de les payer, et ce depuis mars 2020…

Obligations des exploitants – locateurs de RPA

Les exploitants de résidences privées pour aînés sont régis par le Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés. L’article 37 de ce règlement énonce une norme bien établie :

L’exploitant d’une résidence privée pour aînés doit offrir et maintenir, pendant toute la durée du bail et sans augmentation de coût ni diminution d’intensité, l’ensemble des services qui sont prévus au bail ainsi qu’à son annexe.

Pendant toute la durée du bail, l’exploitant d’une résidence privée pour aînés ne peut ni augmenter le coût de la location ou le coût des services qui sont prévus dans le bail et dans son annexe ni en diminuer l’intensité.

Le Manuel d’application de ce Règlement (section documentation) précise que :

Toute modification en cours de bail doit être faite avec l’accord de l’exploitant et du résident (ou son représentant) et respecter les dispositions du Code civil.

Cette norme ne permet aucune exception. Elle fait partie des conditions de certification de l’exploitant. Elle s’impose à tout exploitant et elle est inscrite dans un encadré à l’Annexe 6 dans tout bail de logement d’une RPA conclu entre un locateur-exploitant et un locataire-résident. Il s’agit donc d’une obligation que l’exploitant est tenu de respecter en tout temps, sans discrétion.

Droit au remboursement de services payés et non reçus pour les résidents

À elle seule, la situation paraît inéquitable. D’une part, les exploitants perçoivent les loyers fixés au bail. D’autre part, les résidents versent leur loyer bien qu’ils soient privés des services, en tout ou en partie, depuis mars 2020. La perpétuation de cette situation est non seulement inéquitable, mais aussi illégale. Les exploitants s’enrichissent injustement. Les résidents ont le droit au remboursement des services non reçus et à une diminution de leur loyer.

Une défense de force majeure pour l’exploitant?

En juillet 2020, relativement à un bail commercial, la Cour supérieure a confirmé que le contexte de la pandémie et les restrictions imposées par le Décret se qualifiaient de force majeure. Pour la cour, la pandémie était à la fois imprévisible et irrésistible au moment de la conclusion du bail. Les restrictions par décrets ont empêché le locateur de remplir son obligation de fournir la jouissance paisible des lieux au locataire.

Mais la cour a aussi conclu que le locateur commercial ne peut exiger de son locataire qu’il s’acquitte de son obligation de payer le loyer.

Au même effet, en janvier 1998, relativement à un bail résidentiel, la Cour supérieure a conclu à l’impossibilité pour les locateurs de fournir l’électricité aux logements en raison de la tempête de verglas qui avait causé des pannes énormes d’électricité. Cet empêchement était à la fois imprévisible et irrésistible. Le propriétaire pouvait donc être libéré de son obligation de fournir l’électricité au logement.

Mais la cour a aussi conclu qu’en contrepartie, le locataire dont le bail comportait le service d’électricité n’était pas tenu de payer le montant total du loyer (art. 1694 CcQ). La Cour supérieure confirmait ainsi la décision de la Régie du logement : « Le propriétaire […] ne peut cependant exiger du locataire qu’il paye son loyer pour la période pendant laquelle ce dernier a été privé de la jouissance de son logement. » Comme l’écrivait la juge Lebel de la Cour supérieure, ce n’est pas question d’interprétation, c’est ce que prévoit expressément le Code civil : le fait que le lieu soit resté accessible ne peut être considéré par la Régie du logement que pour calculer le montant du remboursement accordé et non pour rejeter celui-ci.

Qu’attendent les RPA pour bouger?

La situation des résidents des RPA mérite en toute logique qu’un redressement basé sur la réduction des obligations mensuelles de leur loyer s’effectue. La part des frais se rattachant aux services compris au bail, mais qui ont été suspendus et qui ne sont pas ou plus fournis, devrait être déduite du loyer mensuel. Comme l’exploitant doit préciser dans le bail de chaque résident quelle part le service représente (en pourcentage ou en valeur absolue), la réduction du loyer se révèle un exercice possible et facile à mener. Il est temps d’effectuer cet exercice. Les exploitants doivent redresser cette situation inéquitable sans plus attendre.