Ce billet est la suite de deux textes publiés précédemment: lire la première partie et la deuxième partie.

Notre analyse porte sur la représentation des personnes majeures, à l’exclusion des mineurs. La suppression de la notion « d’ouverture d’un régime de protection » aura pour conséquences de modifier une démarche à laquelle les professionnels de la santé s’étaient habitués : l’évaluation de l’inaptitude, tant au niveau de son étendue (degré) que de sa durée, de la personne concernée dans le but de déterminer quel régime de protection serait approprié. Les régimes de tutelle, curatelle, et de conseiller au majeur qui existent actuellement seront remplacés par « la tutelle ».

Ouverture de la tutelle

Ainsi, les professionnels qui évaluent la personne concernée se prononceront sur son aptitude à accomplir des actes courants (planifier sa journée) et moins courants (aller voter). Les rapports modèles actuels du curateur public tendent à suggérer l’évaluation de l’inaptitude. Il faudra donc voir comment le modèle sera modifié.

Comme il n’y aura plus de régime de curatelle, il reviendra au tribunal de déterminer si les règles de la tutelle s’appliquent telles quelles ou si elles doivent être modifiées compte tenu des facultés de la personne concernée (art. 288 CcQ). Les principes de base demeurent inchangés par la réforme :

  • Une tutelle est établie dans l’intérêt d’une personne inapte, en vue d’assurer sa protection, l’administration de son patrimoine et, en général, l’administration de ses biens (art. 268 CcQ)
  • L’inaptitude est une question de fait : une maladie, une déficience, un affaiblissement dû à l’âge qui altère les facultés mentales ou physiques (art. 258 CcQ)
  • C’est le tribunal qui met en place une tutelle
  • Pour ouvrir un régime de tutelle, le tribunal prend en considération (art. 276 CcQ)
    • les rapports d’évaluations médicale et psychosociale
    • l’avis des membres du conseil de tutelle ou des personnes appelées à en faire partie
    • l’avis de la personne concernée lorsque cela est possible
  • Le tribunal doit conclure à l’inaptitude de la personne et à son besoin d’être représentée pour l’exercice de ses droits civils.

Avant la réforme, lors de l’ouverture d’un régime de tutelle, le tribunal pouvait déterminer les actes pouvant être ou non posés par la personne sous tutelle. Le principe demeure donc le même, à savoir que l’évaluation doit être faite au cas par cas, et le jugement détermine si les règles de la tutelle, applicables au mineur, sont modifiées ou précisées.

En ce qui a trait aux personnes actuellement sous curatelle, il faut prévoir que la révision des jugements existants prendra du temps. Les tutelles qui seront prononcées apporteront des restrictions aux actes que pourra poser une personne actuellement sous curatelle. Elles pourront aussi définir les actes que la personne précédemment sous curatelle est habilitée à poser.

Réévaluation de la tutelle

Une autre modification d’intérêt est celle du délai pour la réévaluation de la tutelle mise en place. Avant la réforme, le régime de tutelle était réévalué tous les trois ans, alors que celui de curatelle l’était tous les cinq ans. Dorénavant, c’est le tribunal qui déterminera le moment de la réévaluation qui ne pourra toutefois pas excéder dix ans. Cette modification permettra d’éviter des démarches procédurales en particulier lorsque l’état de la personne est irréversible et permanent, comme dans le cas de déficiences ou de troubles neurocognitifs majeurs.

Deux tuteurs pour une même personne

Avant la réforme, il était impossible pour les parents d’être nommés conjointement tuteurs de leur enfant majeur. Dorénavant, le tribunal pourra nommer deux tuteurs à la personne concernée lorsqu’il s’agit du père et de la mère (art. 268 al. 1 CcQ). Cette modification permettra aux deux parents d’être reconnus également à titre de représentants légaux. La règle relative à la nomination du tuteur chargé de l’administration des biens demeure inchangée, et permet toujours de nommer plus d’une personne à cette charge (art. 187 et 287 CcQ).

Quorum à l’assemblée de parents

La réforme assouplit aussi une règle relative à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis (conseil de famille) qui doit se tenir avant que le tribunal prononce la tutelle. La loi imposait un nombre minimal de cinq personnes pour qu’elle se tienne. Dorénavant, le quorum demeure à cinq personnes, mais l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis peut se tenir, quel que soit le nombre de personnes qui y participent. Le nombre de personnes à convoquer à l’assemblée peut aussi être réduit en présentant une demande au tribunal (art. 226, al.3 et 267 CcQ). Cette modification est d’autant plus significative, compte tenu des familles qui sont de moins en moins nombreuses.

Tuteur remplaçant

Avant la réforme, lorsque le tuteur ou le curateur ne pouvait plus agir, soit pour cause de renonciation, d’incapacité ou de décès, une demande pour désigner un nouveau tuteur ou curateur était requise. Après l’entrée en vigueur de la Loi, le changement de tuteur pourra se réaliser par le simple dépôt au dossier de la Cour de l’acceptation par écrit du remplaçant. Cette modification allégera le processus à plusieurs égards.

Dans notre prochain et dernier billet de blogue au sujet de cette réforme, nous compléterons notre analyse des impacts en abordant les nouveautés et les modifications importantes.