C’était avant la pandémie et avant les auditions à distance. Bien des discussions avaient eu lieu pour tenter de dénouer le débat, mais il s’est déroulé devant la Cour supérieure. L’objectif : savoir qui allait être nommé représentant légal de Gaby.

L’histoire de Gaby

Gaby vient d’une grande famille. Il souffre d’une déficience intellectuelle depuis son enfance. Après le décès de ses parents, sa fratrie a pris le relais de sa protection. Au fil des ans, Gaby s’est rapproché d’eux et est même déménagé à Montréal, loin de son milieu natal qui était plutôt rural.

À soixante-dix ans, il a semblé développer une maladie d’ordre psychiatrique qui le rendait encore plus impulsif. Il s’est alors retrouvé à l’hôpital où on lui a refusé qu’il retourne dans sa résidence d’accueil. La fratrie de Gaby est répugnée à l’idée qu’il reste hospitalisé. D’autant plus que l’hôpital limite les visites et contrôle les appels téléphoniques. Plus la famille veut s’investir, plus le milieu de soins ferme les portes, sous prétexte de créer une déstabilisation à Gaby. Pourtant, ce dernier a imploré les contacts avec sa famille.

La situation s’est escaladée et le curateur public a demandé à être nommé curateur de Gaby. Plusieurs de ses proches s’y sont opposés.

À la Cour

Il est clair que Gaby est inapte à vivre et décider seul, il a besoin d’être représenté pour toutes les décisions de sa vie. Il n’a que très peu de biens à administrer, mais les décisions relatives à sa personne se sont multipliées dans un contexte d’hébergement.

Gaby a eu la possibilité d’exprimer ses volontés lors d’une rencontre avec une greffière spéciale à l’unité de soins où il se trouve. La transcription de cette rencontre a été déposée à la Cour comme preuve de son témoignage. Lors de l’audience, les témoins du curateur public ont d’abord été entendus : en majorité du personnel hospitalier. Ils soutenaient qu’il était préférable de nommer le curateur public vu l’opposition entre l’hôpital et la famille de Gaby. En défense, les personnes proches de Gaby, sa fratrie et une amie, ont témoigné en s’opposant à une telle nomination. Ils ont tous été convoqués pour donner leur avis à la Cour. Certains étaient absents, car ils résident loin, sont âgés ou malades. Du nombre, l’une de ses sœurs qui avaient des contacts réguliers avec lui.

L’hôpital lui a reproché sa trop grande présence, car elle aimait lui parler tous les jours et c’était réciproque. Elle était d’ailleurs disponible et disposée à agir comme curatrice. Gaby était aussi d’accord pour qu’elle soit sa représentante. Elle voulait lui faire profiter de la vie, le sortir, l’amener dans la famille à des anniversaires, lui trouver un logement à la hauteur de ses besoins et capacités. Lui souhaitait voir ses frères et sœurs, dont il connaît les dates d’anniversaire par cœur. Il aurait aimé retourner dans sa résidence d’accueil, mais celle-ci a refusé. Gaby a compris qu’il ne pouvait pas aller vivre avec un frère ou une sœur qui sont âgés de plus de 80 ans et ne pourraient assurer une surveillance et une présence continue et soutenue.

Sa sœur a témoigné qu’elle possédait une connaissance étroite de son frère et qu’elle cherchait son mieux-être. Elle a affirmé désirer qu’il profite de la vie malgré son handicap sévère. Elle ne voyait pas pourquoi le curateur public serait nommé plutôt qu’elle. Elle reconnaît qu’elle est fatiguée et moins jeune, mais elle n’a pas l’intention d’abandonner. Elle s’est même présentée à la Cour le pied dans le plâtre, suite à un accident survenu la semaine précédente… On a tenté de la dépeindre comme dérangeante, mais le tribunal lui a donné raison.

Jugement

L’histoire de Gaby a révélé que la famille est parfois vue comme un agent perturbateur de la personne hospitalisée ou hébergée par le milieu de soins. Bien que le milieu de soins ait été très impliqué, il ne lui revenait pas de s’opposer à la nomination d’un représentant légal. Les intervenants déposent parfois des rapports dévastateurs à l’égard d’une personne de la famille, mais au final c’est toujours au tribunal d’entendre les témoins, de départager et de décider. Il doit prendre les avis de toutes les personnes intéressées afin d’être éclairé avant de conclure.

Gaby est sorti gagnant du débat et a fait respecter son choix. Les liens affectifs avec sa sœur et sa fratrie n’ont pas été coupés, ce qui aurait pu arriver en cas de nomination de l’organisme gouvernemental. Pour réussir, la famille a dû se présenter à la Cour, avoir confiance, démontrer des capacités et, surtout, une bonne connaissance de Gaby, de ses besoins et de son intérêt. Ce cas vécu a démontré que même dans un débat acrimonieux ou une contestation, il est possible de relever un défi avec courage et détermination.