Avant même que ces mesures sanitaires et les directives du gouvernement ne soient rendues publiques, des centres d’hébergement avaient pris la décision de restreindre l’accès à tous les visiteurs. Incidemment, le 12 mars, je me trouvais devant un tribunal qui a refusé d’accéder à une demande d’ordonnance visant à restreindre l’accès par un proche aidant à une aînée en CHSLD. Le tribunal reconnaissait l’importance de la présence de ce proche aidant auprès de son parent, même imparfaite.
L’état d’urgence sanitaire et les restrictions d’accès aux centres de soins imposent de nouvelles règles. Nous devons composer avec une situation nouvelle et extrêmement difficile pour les aînés et les proches qui leur viennent en aide. Les directives s’appuient sur des motifs sérieux et scientifiques. Elles affectent inévitablement les droits et libertés individuels. L’intégrité, la liberté de mouvement et la dignité sont tous des droits qui cèdent devant la sécurité de la communauté. La pandémie a mis en lumière la coexistence, l’harmonie et la préséance des droits dans une société libre et démocratique.
Le gouvernement exerce des pouvoirs dévolus par les lois qui n’ont jamais été exercées auparavant. Notre société se comporte de manière responsable face à une situation exceptionnelle en recourant à des pouvoirs exceptionnels. Si l’on cherchait une preuve que les directives sanitaires sont fondées, on pourrait s’appuyer sur les décès et la contamination communautaire dans des résidences pour aînés.
Il n’en reste pas moins que la situation provoque le désarroi des proches aidants. Et cela s’explique.
Les directives privent les personnes hébergées de la constance de la présence d’une personne qui apporte sa chaleur, sa voix, son odeur et son réconfort à une personne dépendante. Personne ne peut remplacer la présence des proches aimants, lorsque les facultés cognitives abandonnent une personne. Même les équipes de soins les mieux outillées, formées, dédiées ne peuvent remplacer les personnes qui ont côtoyé pendant 30 à 50 ans la personne dépendante qui ne comprend pas, ne parle pas et ne bouge pas.
Les proches aidants ont été reconnus par le gouvernement comme des partenaires du réseau de la santé en 2003 en vertu de la Politique de soutien à domicile. Ils constituent un rouage important dans les soins aux personnes en perte d’autonomie ou totalement dépendantes. Elles assurent leur sécurité, leur intégrité et leur dignité.
Comme partenaire du réseau de la santé, le proche aidant participe aux soins et services. Il prend la température corporelle, donne la nourriture, améliore la posture de son proche. Il occupe un rôle d’assistant, d’accompagnateur et de soignant. Il est indispensable auprès d’une personne atteinte de troubles cognitifs, d’une personne dépendante, partiellement ou totalement. Sa contribution est essentielle et inestimable pour la personne hébergée.
Les risques que comporte la déficience de soins et de services en milieu de soins de longue durée sont connus. Ils se mesurent souvent au lendemain de congés ou de fins de semaine alors que les services sont assurés par un personnel réduit ou moins connaissant. À l’heure où l’on commence à assigner l’assistance alimentaire aux personnes hébergées à du personnel responsable des activités sociales, et où le personnel surchargé sera de plus en plus confiné aux résidences, il devient probablement le temps de repenser les restrictions imposées aux proches aidants par respect pour les résidents.
L’expertise de ces partenaires bénévoles peut être mise à contribution pour répondre aux besoins primordiaux des personnes hébergées. Ouvrir les portes des centres d’hébergement à de proches aidants pourrait être envisagé afin de préserver la dignité et l’intégrité des personnes qui y résident souvent malgré elles. Le défi reste grand pour ces centres qui ont été autorisés à ouvrir leurs portes pour des raisons humanitaires…