Le 22 octobre 2020, le gouvernement a adopté le projet de loi no 52 [1], initialement déposé en décembre 2019 par la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants. Ce projet de loi vise à accroître la protection offerte aux personnes en situation de vulnérabilité ou qui subissent de la maltraitance, notamment les aînés, à assurer le respect des droits des usagers, et à renforcer leur confiance envers le régime d’examen des plaintes du réseau de la santé.
Le projet de loi 52 étend les fonctions des commissaires qui reçoivent des plaintes à tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés. Il vise aussi à élargir les pouvoirs des commissaires [2] en les rendant responsables de traiter les signalements reçus concernant un établissement privé, dans le cadre de la politique de lutte contre la maltraitance.
Amélioration du processus de gestion des plaintes administratives
Le processus d’examen des plaintes a pour but d’améliorer la qualité des soins et des services aux usagers du réseau de la santé et des services sociaux. En commission parlementaire, les débats sur le projet de loi ont porté principalement sur deux volets : 1) la neutralité, l’impartialité et l’indépendance des commissaires; 2) le délai de traitement des plaintes. Quoique le délai de 45 jours d’examen d’une plainte demeure inchangé, le projet de loi apportera plus de transparence au processus d’examen des plaintes pour tout usager d’un établissement privé.
De fait, le projet de loi 52 apporte les modifications suivantes :
- Obligation des établissements privés d’informer les usagers et toute autre personne qui visite l’établissement de leurs droits de porter plainte en :
- rendant disponible l’information relative à la procédure d’examen des plaintes en affichant à la vue du public un document explicatif sur la procédure de plainte;
- indiquant les coordonnées du commissaire;
- précisant les critères d’indépendance pour la nomination du commissaire et pour la durée de son mandat;
- Ajout d’un représentant du CISSS ou du CIUSSS au comité de vigilance et de la qualité des établissements privés;
- Création d’une fonction de commissaire-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux :
- sa fonction est d’assurer le leadership en matière d’examen des plaintes;
- son rôle consiste à :
- établir un réseau de communication entre le ministère de la Santé, les commissaires et les médecins examinateurs,
- s’assurer que les mesures recommandées seront mises en place,
- conseiller les commissaires, notamment sur les meilleures pratiques à adopter et leur harmonisation,
- recommander la mise en œuvre de solutions quant aux enjeux portés à sa connaissance en matière de plainte.
Bien qu’adopté à l’unanimité, le projet de loi 52 n’échappe pas aux critiques. Plusieurs parlementaires ont reproché à la ministre que le projet de loi ne prenait pas en considération la réalité des aînés pendant la pandémie et les souffrances que plusieurs ont vécues en CHSLD dans la dernière étape de leur vie. Ils ont souligné le fait que le nombre de 4 000 décès d’aînés dans ces milieux de vie aurait dû être pris en considération. Ils ont reproché à la ministre de ne pas aller assez loin dans la réforme du processus d’examen des plaintes. De fait, l’imposition de contraintes supplémentaires à l’égard des commissaires qui prennent souvent des mois avant de rendre une décision à la suite d’une plainte aurait été souhaitable.
Porter plainte dans le réseau de la santé
Il est important de reconnaître que la grande difficulté pour toute personne qui désire porter plainte au commissaire à l’égard des services de santé et des services sociaux repose non pas sur le processus de plainte, mais bien sur la démarche pour porter plainte. Nombre de personnes, vulnérables ou non, aînées ou non, hésitent ou refusent de porter plainte soit par crainte de nuire, par peur de représailles ou par manque de confiance dans l’issue de la démarche. Cette gêne s’avère encore plus grande pour les aînés hébergés qui, par manque d’information, en raison de leur isolement, ou par crainte de représailles, ne logent ni demande ni plainte afin de s’assurer qu’ils continueront à recevoir les services auxquels ils ont droit.
Certes les comités d’usagers et les comités de résidents, lesquels varient énormément, peuvent soutenir les usagers qui portent plainte. Mais ceux-ci sont toujours sous la dépendance du nombre de personnes qui composent les comités, de leur disponibilité et de leur détermination. En définitive, malgré les modifications apportées par le projet de loi 52, la situation difficile des usagers ne change aucunement dans l’examen des plaintes de soins et de services de qualité qu’ils déposent.
Comité de vigilance et de la qualité des établissements privés
Ce comité est créé par le conseil d’administration de l’établissement privé. Il sera responsable :
- d’effectuer le suivi des recommandations qui sont formulées par le commissaire, le médecin examinateur et le Protecteur du citoyen à la suite du traitement des plaintes;
- d’assurer le suivi des recommandations du commissaire local aux plaintes et à la qualité des services;
- de veiller à ce que le conseil d’administration s’acquitte de façon efficace de ses responsabilités en matière de qualité des services.
Il faut souhaiter que ce comité agisse avec rigueur, que le représentant du CISSS ou du CIUSSS de même que le commissaire-conseil du ministère exercent une surveillance sans relâche de ce comité afin d’éviter les dérapages que nous avons connus en 2020 dans les soins et services offerts aux aînés hébergés.
Dans le prochain billet, nous poursuivrons notre réflexion sur la protection offerte aux personnes en situation de maltraitance. Vous avez déjà porté plainte ou avez assisté une personne qui a porté plainte? Comment cette expérience s’est-elle vécue pour vous?
[1] Projet de loi no 52, Loi visant à renforcer le régime d’examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux notamment pour les usagers qui reçoivent des services des établissements privés.
[2] Le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services est une personne nommée par le conseil d’administration d’un établissement. Ce commissaire a pour mandat de recevoir et d’examiner les plaintes des usagers des services. Il répond aux plaintes lesquelles permettent de revoir les pratiques et les politiques dans le but d’améliorer la qualité des services. Le commissaire peut recevoir une plainte verbale ou écrite.