En juin 2020, le gouvernement a adopté à l’unanimité le projet de loi no 18 [1], qui revoit les dispositions de la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes. Cette loi entrera progressivement en vigueur à compter de l’automne prochain 2021, jusqu’en juin de l’année suivante. Elle comporte une réforme législative en matière de protection et de représentation des personnes inaptes et introduit des mesures d’assistance à une personne majeure. Avant d’y voir de près, une courte introduction s’impose.
Qu’est-ce que l’incapacité?
Dans notre système de droit civil, la capacité d’une personne est présumée alors que l’incapacité constitue l’exception. Toute personne est donc considérée comme capable d’exercer ses droits, dans la mesure de ses aptitudes. Aussi, la loi prévoit que des personnes, en raison de leur âge ou de leurs inaptitudes, seront représentées dans l’exercice de leurs droits parce qu’elles seront considérées comme incapables.
Qu’en est-il des personnes mineures et des personnes majeures sous tutelle ou faisant l’objet d’un mandat de protection homologué? Elles sont actuellement considérées comme incapables d’exercer leurs droits de façon autonome et pourront bénéficier d’une représentation dans leurs démarches juridiques.
Des modifications importantes à la fin des années’ 80
En 1989, le Code civil du Bas-Canada, qui était toujours en vigueur, a été revu en profondeur au titre des « Personnes ». Avant 1989, la protection et la représentation des personnes inaptes s’établissaient généralement à la suite de l’émission d’une attestation médicale, souvent dispensée par un psychiatre. Celle-ci donnait lieu à la réunion du conseil de famille, à moins que la personne ne soit prise en charge par la curatelle publique.
La réforme de 1989 a donc introduit un nouvel élément : le régime de protection à l’égard des personnes majeures inaptes et le mandat en prévision de l’inaptitude. Elle a également changé le titre de « curatelle publique » pour celui de « curateur public du Québec ».
Quant aux régimes de protection, la loi a laissé place à la notion d’ouverture d’un régime, selon l’étendue de l’inaptitude de la personne concernée : conseiller, tuteur ou curateur à la personne majeure.
Quant au mandat en prévision de l’inaptitude, il s’agissait d’une innovation basée sur le respect de l’autonomie de la personne. Ce mandat particulier (mandat de protection) permettait à une personne majeure et apte, de désigner à l’avance son représentant légal dans l’éventualité de son inaptitude à prendre des décisions, à exercer ses droits civils, et/ou à administrer ses biens. C’était il y a 30 ans.
De nombreux amendements importants
Le 10 avril 2019, le projet de loi no18 a donc été déposé à l’Assemblée nationale. En septembre de la même année, la Commission des relations avec les citoyens a entrepris son étude détaillée du projet et entendu 20 personnes et organismes lors de la période de consultations particulières, avant de conclure à une adoption de principe le 26 septembre 2019.
La réforme a apporté des changements à plusieurs égards :
- Elle supprime la notion même de régimes de protection et le régime de curatelle, et celui de conseiller au majeur, conservant seulement la tutelle [2].
- Elle précise les règles applicables à tout tribunal qui ouvre une tutelle et ajoute la notion de représentation temporaire de la personne concernée.
- Elle assouplit diverses règles : quorum de l’assemblée de parents, remplacement du tuteur, délai pour les réévaluations.
- Elle ajoute des devoirs aux mandataires avec le mandat de protection.
- Elle introduit un nouveau concept : l’assistance à un majeur en perte d’autonomie.
La 2e partie de cet article touche les motivations derrière la réforme de la Loi sur la protection et la représentation des personnes inaptes.
[1] Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes, L.Q. 2020, c. 11.
[2] En France, le mot « tutelle » (équivalant de la curatelle au Québec) a récemment été remplacé par les mots « protection juridique avec représentation relative à la personne », et les mots « son représentant légal » ont été remplacés par les mots : « la personne chargée à son égard d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne » par l’ordonnance no 2020-232 du 31 mai 2021, relative aux décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement : https://www.santementale.fr/2021/06/un-decret-qui-renforce-les-droits-des-majeurs-proteges/