Ce billet est la suite de celui publié le 11 janvier dans lequel il est question de la défense des droits des personnes âgées visées par l’imposition de soins et de la nécessité de leur donner le droit de parole pour se défendre.
Faits à l’origine
Novembre 2021 ― il y a près d’un an que William est hospitalisé. Il a été transféré à l’hôpital puisqu’il ne pouvait plus rester au foyer de groupe où il vivait. Il a tenu des propos répréhensibles et manifesté des comportements inadéquats envers son entourage. William souffre de schizophrénie. Il en est bien conscient et accepte la médication requise. L’hôpital demande néanmoins une autorisation pour imposer à William l’administration de sa médication et son hébergement, pour une durée de trois ans.
William refuse le transfert en CHSLD. Il ne souhaite pas être déplacé dans un lieu de vie qui lui est inconnu, loin du quartier où il vit depuis qu’il est enfant. À 82 ans, il peut se déplacer et s’orienter aisément malgré la maladie qui l’afflige depuis son jeune âge.
Jusqu’à l’automne 2020, William n’avait aucun trouble de comportement. Depuis son éviction du foyer de groupe, il se retrouve sans toit. Sans proches et sans famille, sa situation personnelle est difficile.
À la cour
William défend sa cause d’une salle à l’hôpital, la même qui verra défiler les professionnels qui témoigneront pour appuyer la demande. Impatient de témoigner, il interrompt ceux-ci à l’occasion. Le tribunal lui indique que son tour viendra. Lorsqu’il prend la parole, rassuré, William précise qu’il accepte de prendre la médication et de procéder aux examens sanguins nécessaires. Il ne s’oppose qu’à l’hébergement. Il craint d’être abandonné à la rue.
Appliquant les critères d’évaluation de l’inaptitude à la situation de William, le tribunal rejette une grande partie de la demande. Comme William accepte de prendre sa médication pour la schizophrénie et qu’il reconnaît qu’il doit la prendre de manière continue et permanente, l’ordonnance à l’effet de prendre la médication n’a pas d’assise. Quant à la nouvelle ressource d’hébergement, le tribunal conclut qu’il y a lieu de respecter le souhait de William quant à l’emplacement de son futur lieu de vie. Il l’explique en ces termes : « that respects as far as possible the Defendant’s expressed wish to live in the Notre-Dame-de-Grâce area. » Le tribunal autorise le transfert dans une ressource intermédiaire ou un foyer de groupe, mais en donnant priorité aux volontés exprimées par William. Enfin, le tribunal réduit de 36 à 18 mois la demande initiale.
Conclusion
Ces récits de cour sélectionnés révèlent plusieurs faits importants. Tout d’abord, il est probable que la pandémie laisse des séquelles et que les diverses restrictions sanitaires imposées, de même que la solitude et l’isolement accrus engendrent des pertes de capacités et d’autonomie chez les personnes âgées qui se retrouvent seules et dépassées.
Le changement de lieu de vie devient incontournable pour certaines d’entre elles. Si les personnes âgées avaient été mieux supportées, assistées et accompagnées par des proches, et par des services à domicile, le passage à vide de la dernière année aurait pu être vécu moins durement.
Et puis, il y a l’attachement au domicile qui ne doit pas être pris à la légère. Devant l’instance judiciaire, la détermination de retourner à domicile suscite que l’on questionne l’aptitude de la personne à comprendre et évaluer sa situation. Or, devant le tribunal, les difficultés sont grandes lorsque l’on met en doute l’aptitude de la personne à consentir à l’hébergement ou à le refuser. Contredire des faits est souvent ardu et demande notamment préparation et détermination, ce qui n’est pas toujours à la portée des personnes concernées.
Finalement, chacune des histoires décrites en exemple, et il y en a plusieurs autres tout aussi éloquentes, révèle que la défense de la personne qui s’objecte à la privation de sa liberté et à la contrainte de vivre dans un lieu de vie reste utile et efficace. Que ce soit pour faire rejeter entièrement ou en partie une demande d’autorisation non supportée par les faits ou pour réduire la durée d’une ordonnance, le droit à une défense pleine et entière est de la plus haute importance en pareilles circonstances. Le langage, les règles de l’instance, de même que les critères d’évaluation qui s’appliquent demandent des connaissances que la personne visée, voire ses proches, maîtrise très rarement. C’est pourquoi elle doit avoir la possibilité de bénéficier d’une représentation adéquate. La loi prévoit que ces situations sont traitées en priorité sur les autres types de demandes. Ainsi en est-il du respect des droits fondamentaux dans notre système de justice.