La possibilité de réutiliser du matériel médical à usage unique (MMUU) a fait l’objet de débats au siècle dernier en Amérique du Nord et en Europe. La question a été soulevée après la découverte que des milieux de soins recyclaient le MMUU. Un sondage pancanadien en 1986 a révélé que 41% des hôpitaux les réutilisaient.

La réutilisation se classe en 3 catégories, la réutilisation totale, qui comporte le nettoyage, la décontamination, la stérilisation puis le reconditionnement avant l’utilisation sur un autre patient. Il y a ensuite la restérilisation, qui consiste à stériliser à nouveau du matériel avant de le réutiliser. Et, finalement, il y a le reconditionnement, qui inclut la restérilisation d’un instrument stérile qui a été déballé, mais inutilisé. Aujourd’hui, on parle de retraitement des dispositifs médicaux (RDM) pour désigner la « stérilisation ».

Le matériel est classé selon son potentiel de contamination entre les patients. Le plus critique (i) représente les dispositifs qui traversent la peau, telle une seringue. Le semi-critique (ii) est un dispositif qui touche la peau sans la traverser, tels un masque ou un thermomètre. Le non-critique (iii) regroupe tous les dispositifs qui ne touchent pas à la peau, telle une électrode d’un ECG. Quant au jetable (iv), il comprend le matériel étiqueté « à usage unique » par le fabricant et qui est utilisé pour une seule utilisation ou pour une utilisation multiple sur un même patient au cours d’une seule intervention.

Quels sont les risques pour les patients?

La réutilisation du MMUU suscite la notion de risque pour les patients. Cette notion est primordiale dans toute décision de soins [1]. À titre d’exemple, le risque que posent les produits pharmaceutiques a fait l’objet de nombreuses poursuites en actions collectives. Autre exemple, des pratiques ont été cessées suite au constat de la transmission du virus de l’hépatite C par le biais d’un instrument qui n’avait pas été adéquatement nettoyé, utilisé au cours de trois différentes interventions.

Éviter la survenance d’un risque connu fait partie des objectifs du milieu de la santé. Faire peser un risque sur la santé et l’intégrité des patients alors qu’il est connu est inacceptable.

Dans l’état actuel des connaissances, la réutilisation du MMUU n’entraînerait pas plus d’effets indésirables que le matériel non réutilisé dans la mesure où elle respecte les normes qui s’y rattachent. Il revient aux directions d’établissements d’établir une politique et des procédures claires. Celles-ci doivent être disponibles au public afin d’informer les patients des mesures prises pour assurer leur sécurité et leur permettre de faire des choix.

Normes et recommandations

En 1994, l’Association canadienne des hôpitaux a constaté que bien peu d’organisations s’étaient dotées de normes relatives à la réutilisation du MMUU. En 2002, une étude a révélé que 25% des hôpitaux américains avaient déjà utilisé au moins un type de matériel de classe (iii) après un retraitement.

En 2004, la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada a émis des recommandations aux établissements de soins de santé et un règlement sur les instruments médicaux a été adopté l’année suivante, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Il stipule notamment que « le matériel jetable destiné à être utilisé sur un malade pour l’accomplissement d’un seul acte ne peut être utilisé sur ce malade pour plus d’un acte ni être utilisé sur un autre malade ».

Au Québec, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a fait le point en 2009 [2]. L’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AÉTMIS) a recommandé (1) « que les établissements cessent de procéder eux-mêmes au retraitement du matériel médical à usage unique critique ou semi-critique jusqu’à ce que les exigences visant à rendre cette pratique conforme aux plus hautes normes de qualité reconnues puissent être respectées dans le contexte québécois » et que (2) le retraitement devrait être confié à une entreprise officiellement reconnue par un organisme de contrôle ».

Un rapport publié en 2010 rapportait que 40% des hôpitaux allemands et 80% des hôpitaux japonais retraitent leur MMUU. En 2014, l’Institut national de santé publique (INSPQ) publiait un Guide pratique portant sur le RDM en vue d’assurer l’uniformisation et la qualité des pratiques dans tous les établissements de santé au Québec [3]. En 2015, un rapport du Service de l’évaluation des technologies du CHUM constatait qu’à « l’échelle mondiale, la réglementation et les pratiques varient considérablement, la plupart des pays donnant leur aval au retraitement du MMUU » [4].

À l’heure actuelle, l’urgence sanitaire soulève de grandes inquiétudes quant à l’approvisionnement de certains équipements. Les enjeux auxquels font face les directions d’établissements et les gouvernements sont énormes. Les patients sont les prestataires des soins et ils mettent à risque leur intégrité quand ils s’y soumettent. Ils ont le droit de connaître les enjeux reliés à la réutilisation du matériel médical à usage unique, sans réticence de la part des administrations et des professionnels. Ils pourront alors y consentir en toute connaissance de cause.

 

[1] Rapport du Comité ministériel (Clerc), « La gestion des risques est une priorité pour le réseau » 2001, www.msss.gouv.qc.ca

[2] La réutilisation du matériel médical à usage unique, Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé

[3] Retraitement des dispositifs médicaux critiques, INSPQ

[4] Réutilisation du matériel médical à usage unique : État de la question, CHUM