Le Québec présente une proportion de personnes âgées de plus de 65 ans qui est plus élevée que la moyenne canadienne, selon les plus récentes estimations de populations de Statistique Canada.

Selon les données de 2010 au Québec, 63% des personnes âgées de 65 ans et plus qui vivaient à domicile et étaient globalement en bonne santé [1]. « La qualité de vie des personnes âgées est largement déterminée par la capacité de conserver leur autonomie et leur indépendance, notamment en vivant dans leur environnement naturel sans aide extérieure ou avec une aide extérieure minime. » [2]

Actuellement au Québec, la « majorité des personnes de 65 ans et plus qui vivent en ménage privé sont autonomes dans les activités de la vie quotidienne, c’est-à-dire qu’elles peuvent faire leurs activités sans l’aide de personne. À l’inverse, 21% des personnes âgées ont besoin d’aide pour ces activités. » [3] Vivre chez soi le plus longtemps possible est le choix de vie de l’immense majorité des aînés du Québec, selon les plus récentes statistiques disponibles [4]. Au Canada, en 2005 c’est 85% des Canadiens âgés qui préféraient vieillir chez eux [5].

L’enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes au cycle 2013-2014, réalisée en 2016, a révélé que les personnes de 75 ans et plus sont les plus susceptibles de ne pas avoir reçu un soin ou un service à domicile, alors qu’elles croyaient en avoir besoin [6]. Enfin, il ne fait aucun doute que les « aînés auront besoin de services de soutien et de choix de logements qui leur permettront de vivre de façon autonome dans leur propre maison aussi longtemps que possible » [7].

Solutions pour le futur : des projets inclusifs et participatifs

L’approche des soins à domicile a évolué depuis les années 70 et on favorise maintenant une approche intégrée des soins. La gériatrie sociale est devenue une discipline nécessaire pour les professionnels de la santé. Des solutions ont déjà été proposées par des acteurs sérieux de la Santé, qui demeurent contemporaines et applicables [8] comme : créer des liens intergénérationnels et des réseaux de proximité, élaborer de nouvelles modalités de collaboration, attirer « les troupes », modifier l’organisation du travail, mettre en place des systèmes de soins intégrés et de structures d’accueil pour les personnes en perte d’autonomie, instaurer une culture de l’innovation : les « TIC » et les résultats probants, et élaborer des politiques dites « actives ».

Il y a aussi toute la question du retour à domicile après un séjour à l’hôpital, à la suite d’une chirurgie ou d’une évaluation qui devrait être possible pour une personne âgée qui vit seule. L’admission temporaire en centre de soins de longue durée peut être évitée et le retour sécuritaire à la maison facilité grâce à des services disponibles et réguliers à la maison, incluant des soins et des services de soutien. En d’autres mots, l’histoire dramatique rapportée dans un blogue précédent peut être évitée par une réelle volonté de changer notre approche et d’insuffler toutes les énergies utiles. Si nous ne nous attaquons pas immédiatement au problème, nous continuerons à créer des écarts entre les politiques et la réalité, mais également entre les classes sociales, les plus riches pouvant se payer des soins et services à domicile alors que les autres n’ont pas les moyens.

Les services de soutien à domicile pour répondre aux besoins des aînés

Il existe déjà des services d’aide à domicile fournis par les entreprises d’économie sociale en aide à domicile (EESAD). Bien qu’il soit en place depuis plus de 20 ans, ce système est méconnu du public. Il répond aux besoins de base essentiels (entretien ménager léger, préparation des repas), à des besoins d’assistance personnelle (soins corporels), des menus travaux (remplacement de luminaires) ou des travaux plus lourds (pose de garages d’hiver, taille de haies) [9] ou encore d’aide à l’apprentissage (déplacements sécuritaires, assistance à la cuisine) [10]. Or, l’entretien ménager s’avère un élément central de l’aide à domicile [11].

En juin 2019, l’actuelle ministre responsable des Aînés a déposé un projet de gériatrie sociale pour être implanté dans certains quartiers montréalais afin de lutter contre l’isolement chez les personnes âgées. L’objectif est de favoriser l’autonomie, la sécurité et la participation sociale en société. Un financement de 400 000$ pour deux ans a été octroyé au CIUSSS du Centre-Sud afin d’embaucher des intervenants sociaux. Le docteur David Lussier, gériatre, a manifesté son support à l’idée d’une approche « proactive et préventive », mais il faudra plus que des bonnes idées et du financement pour assurer le soutien des aînés au maintien dans leur domicile. Il faudra miser sur leur participation et leur inclusion dans l’élaboration des projets qui les concernent. Ce qui n’est pas une chose facile.

La suggestion de s’orienter vers une politique d’autonomie des personnes âgées est aussi particulièrement importante et ne date pas d’hier [12]. L’État doit investir de façon importante dans les soins et les services de soutien à domicile vu les besoins essentiels de la population qui y a droit et qui les demande. Actuellement, le droit d’accès aux services de santé et de soutien est, pratiquement, bafoué.

Évitons les comparaisons, mais considérons comment instrumentaliser les moyens

On a tendance à comparer la situation du Québec et de Montréal avec celle des pays qui ont une densité de population moindre, tels que la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas. Le problème est que ces comparaisons ne tiennent pas compte des systèmes de santé différents et de leur évolution, de l’histoire et des cultures différentes en ce qui a trait à l’inclusion des aînés. Notre historique de maintien et de soutien à domicile des aînés comporte ses spécificités particulières, comme des éléments d’urbanisation. En ce sens, Montréal s’apparente davantage à New York et à Tokyo qu’à Stockholm.

Avec l’avènement de la robotisation dans les prochaines années, nos sociétés nord-américaines qui s’y rebutaient jusqu’à présent pour des raisons de culture devront considérer les options qui s’offrent. Depuis des années, nous avons de plus en plus recours à la technologie pour nous défaire de tâches ingrates. La technologie a remplacé la science-fiction et plusieurs pays n’hésitent pas à avoir recours et à suggérer d’utiliser des robots à domicile afin de répondre aux besoins de services à domicile pour les aînés [13]. Ce faisant, ils favorisent le maintien à domicile. Si nous ne sommes pas encore très friands de cette technologie, il faut néanmoins reconnaître qu’elle permet de contribuer à l’autonomie des aînés. Dans ce contexte, il ne serait pas erroné de remettre en cause le recours à la technologie créatrice pour diminuer la déshumanisation dont nous avons été témoins depuis le début de la pandémie de 2020.

Il reste encore beaucoup de travail à faire

Nous devrons sûrement nous arrêter et repenser collectivement nos choix, en gardant en perspective l’expérience dramatique de 2020 et les difficultés d’intégrer les politiques dernières années. Il faudra aussi considérer que le changement doit d’abord être initié par des personnes, en prenant en compte leurs volontés, leur autonomie et leurs capacités. Bref, nous devrons être plus à l’écoute pour inclure et permettre la participation des aînés aux décisions.

La Politique élaborée en 2012 concluait que: « La politique et le plan d’action contribuent à la construction d’une société inclusive et accueillante pour les aînés, peu importe leur parcours de vie, et ce, afin de briser le cliché voulant que vieillesse soit synonyme de dépendance ou de fardeau ». Souhaitons que la création des prochains États généraux puisse laisser entendre la voix des aînés, qui sont les plus concernés par les changements à venir. Aussi, nous nous devons de saisir l’occasion de cette crise sanitaire pour renverser le cours des promesses qui nous ont menées dans un cul-de-sac. Nous avons besoin d’un projet de société qui s’appuie non seulement sur les chartes et les lois, mais aussi sur les besoins réels.


[1] Institut de la statistique du Québec, Vieillir en santé au Québec : portrait de la santé des aînés vivant à domicile en 2009-2010, février 2012, no 34, p.2.

[2] Organisation mondiale de la santé, Vieillir en restant actif. Cadre d’orientation. Genève, p.12.

[3] Institut de la statistique du Québec, Vieillir en santé au Québec : portrait de la santé des aînés vivant à domicile en 2009-2010, février 2012, no 34, p.6.

[4] Institut de la statistique du Québec, Coup d’œil sur les soins et services à domicile reçu par les aînés au Québec en 2013-2014, mai 2016, no 57, p.2; Ministère de la famille et des aînés, Vieillir et vivre ensemble — Chez soi, dans sa communauté, au Québec, 2012.

[5] SCHL, Le logement des aînés au Canada, 2015.

[6] Institut de la statistique du Québec, Coup d’œil sur les soins et services à domicile reçu par les aînés au Québec en 2013-2014, mai 2016, no 57, p.7.

[7] SCHL, Le logement des aînés au Canada, 2015

[8] Francine Ducharme, « Vieillissement, santé et société – acquis, défis et perspectives » Éléments d’une communication au Congrès international francophone de gérontologie et gériatrie tenu à Québec en octobre 2006, Perspective infirmière, juillet/août 2007, 11-16

[9] Isabelle Porter, « Lévis innove en maintien à domicile des aînés », Le Devoir, 10 février 2016, A4.

[10] Isabelle Masingue et Anny Raymond, « Accéder aux services : services professionnels et aide à domicile peuvent donner un sérieux coup de main aux personnes en perte d’autonomie »,

[11] Idem, p.6

[12] Therrien, p. 162.

[13] The Japan News, (Bloomberg) « Toyota Wants to Put a Robot Friend in Every Home», 28 décembre 2018.