L’enquête du coroner sur la mort de Joyce Echaquan qui s’est déroulée au Palais de justice de Trois-Rivières révèle une situation troublante de discrimination dans l’accès aux soins de santé. Elle a mis en évidence jour après jour que des personnes sont ignorées, rejetées, abandonnées en raison de leur sexe, de leur race, et de leur état de santé. Les soignants, qu’ils soient préposés, infirmières ou médecins, ne sont pas à l’abri d’adopter des attitudes pouvant priver les patients de soins adéquats, sécuritaires et continus.
Une enquête publique du coroner révèle toujours de bien tristes histoires
Au milieu des années 90, j’ai représenté une famille lors d’une enquête publique du coroner à la suite de la mort d’Atif, un jeune homme de 28 ans, schizophrène, hospitalisé à l’Hôpital Jean-Talon. Les causes et les circonstances entourant son décès devaient être élucidées. Dans le cadre de l’enquête, des organismes de défense des droits des patients suggéraient que les prescriptions médicales étaient exagérées pour les patients en psychiatrie.
Pendant des jours, la coroner David a entendu professionnels de la santé et experts au palais de justice de Laval. Le directeur des services professionnels a rapporté que le psychiatre avait réalisé son erreur de posologie le jour du décès du patient. Elle était de quatre fois supérieure à celle recommandée par le fabricant. Les infirmières ont admis qu’elles avaient administré pendant trois jours la dose prescrite par le psychiatre traitant. Les experts ont exposé que le surdosage avait causé une fibrillation cardiaque entraînant la mort du patient.
Malgré le comportement et les plaintes répétées du jeune homme — un patient suivi à l’unité psychiatrique — pendant trois jours, malgré une coupure qu’il s’était infligée au front en se frappant la tête contre le mur, malgré une visite à l’urgence pour soigner cette blessure, personne n’avait reconsidéré la médication qui lui était alors administrée. Abandonné par les personnes qui devaient lui fournir des soins requis par son état de santé, troublé et mal en point, il avait fait appel à sa famille, en vain. Celle-ci a fait confiance à ceux et celles qui devaient s’occuper de sa santé.
S’inquiéter des personnes hospitalisées
L’abandon d’Atif à son malheur est ressorti à l’enquête publique, comme celui de Joyce Echaquan. Dans le premier cas, le voile a été levé avec le dossier hospitalier qui a révélé la prescription médicale fatale, dans le second cas, c’est grâce à la vidéo tournée par madame Echaquan elle-même. Le psychiatre d’Atif a suggéré que son erreur de prescription était due à un manque de concentration causé à la suite d’une discussion corsée avec sa fille la veille. L’infirmière devant s’occuper de Joyce rapporte quant à elle avoir tenu des propos inacceptables au motif qu’elle était épuisée face à la surcharge de travail. La discrimination dans les soins à l’égard de la femme attikamekw me rappelle l’indifférence à l’égard des personnes hospitalisées en psychiatrie, au cours des années 90. Dans les deux cas, c’est la personne à qui on doit fournir des soins à la hauteur de ses besoins qui est lésée et abandonnée à sa mort.
S’impliquer sans craindre de subir de reproches
Nous ne sommes jamais à l’abri d’erreurs, voire de négligence, en milieu de soins. Des préjugés pernicieux et tenaces existent. Des personnes meurent en raison notamment de discrimination exercée par le personnel. L’amélioration des soins passera certainement par un plus grand nombre de soignants, mais surtout par des professionnels plus attentifs, vigilants et surtout capables d’écouter la personne qui est au cœur de leur travail et qui a droit à des soins respectueux, comme le dit la loi.
S’impliquer auprès de nos proches en milieux de soins ne devrait jamais nous être reproché. Un dossier médical ou une autopsie pourra révéler là où les soins ont manqué. Nous devrions aussi retenir de l’enquête de Trois-Rivières que notre vigilance ne doit jamais nous être reprochée, car il n’y a pas de place pour la négligence ni l’indifférence en milieu de soins.