La mère de Georges est hébergée dans un des meilleurs centres d’hébergement public pour aînés. Elle y a été amenée par son curateur qui juge qu’elle ne peut plus demeurer seule dans la maison familiale puisqu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Georges, un des trois fils de Vania déplore cette décision. Il en a informé le curateur, son frère. Il sait que sa mère conserve une certaine autonomie. Elle voit d’elle-même à son hygiène, à son alimentation et à l’entretien de sa maison, de ses rosiers et de son chien… D’ailleurs, son chien pleure son départ depuis qu’elle n’y est plus.
Démarches de Georges
Georges rend visite à sa mère tous les jours. Il lui apporte des fleurs de son jardin, lui montre son chien par la fenêtre et utilise sa cafetière pour préparer des cafés qu’ils boivent ensemble. Vania est italienne d’origine et elle aime un café bien « tassé ». Vania s’ennuie. Georges entend tout faire pour qu’elle retourne vivre avec lui à la maison.
Vania comprend qu’elle est mal prise et exprime la peine qu’elle vit vu son isolement et la privation de son chien. Ses propos sont décousus. Selon Georges, ses pertes cognitives s’aggravent de jour en jour. Il ne peut plus attendre : il faut demander au juge de lui rendre sa liberté. Vania n’est sous aucune ordonnance.
Vania n’a pas de maladie dégénérative ou physique particulière. Elle se déplace aisément. Il est étonnant qu’elle soit hébergée en résidence alors qu’elle a toujours une maison et un fils avec qui habiter. Le curateur somme Georges de quitter la maison qu’il souhaite vendre. Georges refuse.
Et puis, le curateur de Vania s’oppose aux visites quotidiennes de Georges. Il a émis des directives au centre pour empêcher Georges de voir sa mère. Le curateur de Vania estime qu’il entretient chez elle l’espoir non fondé qu’elle retournera un jour vivre à la maison. De fait, Georges a tout mis en place pour son retour à domicile. Georges s’est chargé de rendre les lieux sécuritaires et il s’est organisé avec une voisine bien connue de la famille, qui pourra veiller sur sa mère quand il aura à s’absenter à l’occasion pour le travail.
Dépôt d’une demande en justice
La demande de Georges doit être présentée au tribunal. Il faut démontrer que Vania est détenue contre son gré et que cette détention, bien que consentie par le curateur de Vania, ne répond pas aux intérêts de celle-ci. Il faut aussi démontrer que les visites de Georges sont bénéfiques pour elle et que d’en être privée lui nuit.
Pour gagner sa cause en cour, Georges doit convaincre le tribunal de l’urgence de la situation, de la nécessité de remplacer le curateur en place et des bénéfices que pourra tirer Vania des visites de son fils et d’un éventuel retour à la maison.
Vania ne témoigne pas. Elle est représentée par son curateur. Il serait d’ailleurs impossible d’obtenir un témoignage fiable. Le tribunal reçoit des déclarations sous serment de ses fils. Chacun y va de son point de vue quant à l’intérêt fondamental de leur mère et du milieu de vie à privilégier pour elle à l’égard de ses capacités, de ses volontés et de son bonheur. Seul Georges est présent devant la cour.
Le tribunal prend en délibéré le tout après une demi-journée d’audition. Il doit rendre sa décision rapidement.
La liberté n’a pas de prix
Georges souhaite voir sa mère, mais il en est toujours empêché, puisque le centre d’hébergement suit les directives du curateur. Lui parler au téléphone n’a pas le même effet bénéfique sur elle. Vania est triste de ne pas le voir et ne comprend pas pourquoi il ne lui rend plus visite.
Le lendemain de l’audition, Georges apprend que sa mère a été retrouvée sans vie dans sa chambre. Il est sous le choc de son décès soudain et imprévu. Il l’aura vue une dernière fois, plusieurs semaines auparavant. Il gardera d’elle un souvenir impérissable. Par son décès, Vania vient mettre un terme à la discorde dans la fratrie.
Le rôle du représentant légal
Le rôle premier d’un représentant légal, tel un curateur, reste assurément de considérer qu’il est dans l’intérêt de la personne concernée qu’elle soit entourée des personnes qui lui sont chères et qui lui apportent assistance et amour, et ce, jusqu’à la fin de ses jours, sauf en cas d’empêchement majeur. Il doit mettre de côté les velléités personnelles ou les objectifs financiers. Son rôle est parfois difficile, car il peut avoir un point de vue différent sur les relations qu’entretient la personne qu’il représente avec un proche parent. Or, il n’y a pas d’erreur à privilégier les relations humaines et familiales, surtout en pensant à la fragilité de la vie.