Obtenir de l’information avant un transfert en hébergement de soins de longue durée est un droit pour toute personne ou tout proche de celle-ci qui consent à un hébergement. Le devoir d’informer relève des responsables du milieu de vie et il leur revient de donner l’heure juste sur les services disponibles et que peut fournir le milieu de vie substitut de manière continue et sécuritaire.

Bien entendu, les responsables ne sont pas tenues de divulguer l’information inconnue à un temps donné. Il apparaît évident qu’en mars 2020 les milieux de vie substitut ignoraient l’ampleur de la propagation du virus et de la crise qui se dessinait. Toutefois, ils savaient ou devaient savoir qu’ils ne disposaient pas de ressources humaines et matérielles pour répondre aux besoins de la clientèle en cas de pandémie.

Les tribunaux condamnent les décisions prises en l’absence de « consentement libre et éclairé » des bénéficiaires. En d’autres mots, une autorisation de la personne ou du proche ne suffit pas. Il faut un consentement informé, c’est-à-dire une autorisation donnée après que la personne ait reçu toute l’information compréhensible et nécessaire à sa prise de décision, sans qu’elle ait subi de pression. Cette information s’apparente à celle qu’aurait aimé connaître une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. À cela s’ajoute l’information pertinente dans le contexte de la décision prise par une personne en particulier [1].

Être informé pour mieux choisir

« Avoir su, j’aurais dit non. Je l’aurais amenée chez nous. Je suis fâché parce qu’on ne m’a pas dit la vérité » [2]. Ainsi s’exprimait le fils d’une des nombreuses victimes de la COVID-19 en avril dernier. Il disait à juste titre qu’il aurait aimé être informé de l’état de la situation qui prévalait au CHSLD où sa mère allait être transférée temporairement en mars, après un bref séjour à l’hôpital lié à l’évaluation de chutes accidentelles à la maison. Ce cri du cœur soulève plusieurs questions.

Tout d’abord, de qui relevait le devoir d’information avant le transfert au CHSLD? Ensuite, peut-on prétendre avoir le droit de savoir dans quel état se trouve une ressource d’hébergement avant d’accepter ou de refuser un transfert? Aussi, aurait-il été possible de refuser le transfert temporaire si l’on avait su l’insuffisance des ressources pour répondre au risque de propagation du virus?

Prévoir l’imprévisible

Avant même le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire au Québec, il était prévisible que les CHSLD n’avaient pas les ressources nécessaires pour répondre à la propagation d’un virus contagieux comme celui qui était connu par les autorités de la santé publique depuis janvier 2020.

Les professionnels et les directions de CHSLD ne peuvent être tenus responsables de l’imprévisible. Ils ne peuvent donc pas révéler l’imprévisible qu’ils ne connaissent pas. Ils doivent néanmoins fournir l’information dont ils disposent, selon les connaissances du moment. Et ce, même dans un contexte de transfert temporaire, de rareté de ressources et d’un besoin urgent de libérer des lits à l’hôpital, bref peu importe la situation. Lorsqu’une personne décède ou qu’elle a des séquelles permanentes, et que le devoir d’information n’a pas été rempli, la responsabilité civile repose sur les personnes qui devaient obtenir ce consentement éclairé avant le transfert.

La raison en est simple : il appartient au bénéficiaire d’exercer son choix pour un hébergement transitoire temporaire ou un retour à domicile.

Avant la pandémie, de nombreux bénéficiaires et leurs proches ne connaissaient pas l’étendue du manque de ressources en milieu de vie substitut. Leurs attentes raisonnables face à ce service reposaient sur le fait que les ressources répondraient aux besoins de santé, comme le prévoit la loi, de manière continue, personnalisée et sécuritaire. Il ne leur venait pas à l’idée de questionner les professionnels ou les directions sur leur capacité de répondre à une situation de crise.

Mais répondre à l’état d’urgence sanitaire relève des autorités qui ont un devoir de planification des urgences (feu, inondation, panne d’électricité, épidémie, et ainsi de suite). Pour différentes raisons, les bénéficiaires ne posent pas de question sur les dispositions prises en cas d’urgence.

Dans ces circonstances, il revient donc aux autorités de remplir leurs obligations de résultat. De plus, il reste difficile, voire parfois impossible pour les bénéficiaires, de poser des questions sur les services disponibles. Ainsi, faciliter la connaissance et l’accès à l’information pour permettre aux personnes malades, handicapées et âgées de consentir de manière libre et éclairée, demeure un grand défi.

Dans un prochain texte, nous aborderons les grandeurs et les défis du maintien à domicile.


[1] C’est ce même consentement libre et éclairé que l’on recherche du participant à des essais cliniques d’un nouveau médicament ou vaccin, ou de l’installation d’une application sur un téléphone intelligent visant à fournir des informations personnelles

[2] D. Scali, « Sa mère “envoyée à l’abattoir”. Elle a été sortie de l’hôpital pour être transférée dans un CHSLD où elle est décédée de la COVID-19 », Journal de Montréal, 14 avril 2020, 5.